Partie d'Agnès - Chapitre 7

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[TW mention d'agression sexuelle/de violence physique]


Elle fait irruption dans le salon affolée. Elle a une main sur le ventre et une autre sur la gorge. Elle tombe à genoux sur le carrelage plus théâtrale encore que moi qui révise mon texte. J'accours. Je ne la touche pas car elle me tuerait. Je lui demande paniquée :

« Antigone ! Antigone, qu'est-ce qu'il y a ? »

Elle lève sur moi des yeux secs mais écarquillés. Elle plante ses ongles dans son cou et se griffe sans s'en apercevoir. Il n'y a qu'un gémissement qui sort de sa gorge, mais elle voudrait hurler. Je ne l'ai jamais vue dans une telle détresse.

« Antigone ! Réponds-moi ! »

Ignorant l'interdiction que j'ai d'avoir un contact avec elle, j'écarte ses doigts de son cou. Elle sursaute violemment en s'arrachant à moi, mais semble à nouveau voir et être consciente de sa présence et de la mienne dans la pièce.

« Il m'a... »

Terrifiée j'attends la suite. On a fait quelque chose à mon enfant.

« Il m'a... » répète-t-elle.

Elle clôt ses paupières. Sa respiration hachée et déboussolée s'apaise peu à peu. Son corps que ses mains agrippent se détend.

« Je marchais je marchais et un homme m'a abordée et il m'a suivie un peu longtemps et j'avais peur et il parlait sans cesse et il m'a embrassée et moi je ne voulais pas mais... »

Elle s'arrête. Elle rouvre les yeux. Ç'a peut-être rendu les faits moins réels que de le dire dans le noir. Je soupire de soulagement.

« Ce n'est que ça, mon dieu. »

La terreur qui émanait d'elle m'a fait penser à quelque chose de plus grave, de beaucoup plus grave. Cependant Antigone se relève, se projetant presque en arrière, comme si être près de moi lui était soudainement insoutenable. Alors que je suis toujours à terre elle me domine et s'insurge :

« Qu'est-ce que tu as dit ? »

Elle est ulcérée. L'horreur et la colère se mêlent en elle. Elle semble enceinte d'une tempête.

« Mais ça n'est pas « que ça ». Ça n'est pas rien ! »

Elle secoue lentement la tête en rythme avec ses phrases. Une sorte de folie luit dans ses yeux – encore les plus beaux du monde.

« Ce n'est pas un baiser qu'on annihile. Ce n'est pas un acte qu'on efface facilement, comment tu peux oser faire ça ? Le minimiser ? »

Elle crispe sa main sur sa cuisse. J'ai peur qu'elle se fasse encore du mal.

« Qu'est-ce qu'il te faut pour que ça soit grave ? Qu'est-ce qu'il te faut ? Réponds ! Dis-moi ! » hurle-t-elle.

Je me relève lentement, égarée. Je n'ai aucune idée de comment la calmer. Mes excuses ne feront qu'attiser sa haine. Que cette phrase ait pu lui faire autant de mal me dépasse.

« J'ai cru qu'il avait fait plus que t'embrasser. » avancé-je sans être très sûre de moi.

Elle passe une main lasse sur son visage. Des spasmes l'agitent, qu'elle réprime.

« Comment tu peux être sûre que si on m'avait fait ça, tu n'aurais pas encore dit que ce n'était pas grave. »

Elle ne me pose même plus la question. Elle baisse sa voix avec un mépris et une haine considérables.

« Il y a toujours plus grave. Finalement, je suis encore en vie et c'est ce qui compte, n'est-ce pas ? »

Incandescente elle s'approche de moi.

BoygirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant