Partie d'Isidore - Chapitre 12

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J'ai eu beaucoup de mal à écrire cette partie donc si vous avez des remarques, critiques, conseils... je suis preneuse ! Bonne lecture !


[TW brûlure] [TW violence physique et verbale] [TW harcèlement] [TW homophobie]



Le bruit que font mes semelles en se posant sur les dalles de l'allée me glace. À quelques mètres encore, se trouve la porte d'entrée. Il y a une baie vitrée aussi, qui découpe un fin rectangle de lumière sur la pelouse tondue. Des rideaux m'empêchent de voir à l'intérieur. J'entends une vague rumeur, un peu calme. C'est normal, il n'est que vingt heures.

Je frappe, et attends plusieurs secondes avant de voir la poignée s'abaisser. C'est Amélie qui ouvre. Elle s'est maquillée plus qu'au lycée, ça lui va bien. Elle me sourit – une bouteille de bière à la main fait écho au vert de ses yeux – et me salue. Je suis terrorisé. Elle me fait signe d'entrer, j'ai l'impression d'être paralysé, puis elle m'invite à haute voix et je fais un pas. Je me rappelle la raison première de ma venue à cette soirée, je demande :

« Adel est là ? »

Elle fait non de la tête. « Pas encore. » Je maintiens sur mon visage un sourire figé. Dans ma poitrine quelque chose s'effondre. Mon abdomen s'emplit d'une sensation affreuse, comme de copeaux de givre. Je frissonne alors que nous traversons l'entrée. Je ne veux pas les voir. Je ne veux pas être ici. Je crois qu'Amélie parle, mais je n'en suis pas certain. Une soudaine nausée me submerge, je pose une main discrète sur mon ventre comme pour l'apaiser. Les voix qui me parvenaient depuis l'extérieur sont de plus en plus fortes. Je pourrais peut-être distinguer certains timbres particuliers, mais j'ai appris à ne pas le faire. Quand ils me frappent en riant je ne tente pas de savoir qui ils sont – ils ne font plus qu'un. Dans le salon, ils seront peut-être encore ce groupe soudé emmêlé prêt à me lyncher. Ça me terrifie. Je jette un coup d'œil à Amélie qui a l'air tranquille. Même elle m'effraie, peut-être l'ont-ils convaincue de participer. Peut-être tout n'était-il qu'un prétexte pour m'attirer ici. Je commence à trembler. J'arrive dans la lumière trop vive de la large pièce où ils sont tous réunis, et c'est comme si j'entrais dans une arène.

Ils me dévisagent et je tire sur les manches de ma veste avec nervosité. Aussitôt Amélie me dit de l'enlever, s'excuse de ne pas me l'avoir proposé avant. Je repère Valentin assis dans un fauteuil qui se roule une cigarette, à ses côtés quelques autres personnes de ma classe. Charles lui est adossé au mur qui me fait face, il a un verre entre les mains. L'absence d'Adel déchire mes pupilles. Dans le silence le plus total, Amélie prend ma veste et la pose sur le canapé. Je n'ose plus bouger de peur qu'ils se jettent sur moi.

« Tu nous avais pas prévenu qu'il serait là, Amélie ? » lui fait remarquer Valentin d'un ton effilé.

Il a une lame de rasoir à la place de la langue. Elle hausse les épaules et se tourne vers lui avec une expression très neutre.

« C'est grave ? »

Il lève les yeux au ciel avec un sourire cynique, lui dit de laisser tomber. Elle l'a défié. Elle paiera peut-être plus tard mais en attendant c'est mon tour. Il fixe son regard sur moi avec mépris. Je me sens très vulnérable. Je croise mes bras sur ma poitrine à défaut de m'enfuir.

« Tu veux une bière ? » me demande-t-il.

Je ne sais pas quelle est la bonne réponse, il n'y en a certainement aucune, alors je reste muet. Quelques rires dédaigneux résonnent. Je voudrais disparaître. Amélie va voir une fille et se met à parler un peu avec elle, à voix basse. L'adolescente, un peu gênée, recule imperceptiblement.

BoygirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant