Partie de Hémon - Chapitre 7

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[TW idées suicidaires] [TW maltraitance]


2 mars


Je n'aime pas beaucoup avoir sport deux jours de suite.


Le pire parfum me tue. Je voudrais faire pousser des roses roses et blanches au fond des piscines pour ne pas étouffer dans l'odeur de chlore. Hémon comme à son habitude m'attendait au sommet du plongeoir quand je suis arrivée enroulée dans ma serviette. Il a déclaré :

« Quand j'aurais brûlé tes reflets tu ne seras plus rien. Noie-toi. »

Et a plongé dans l'eau bleue. Le professeur nous a demandé de nous échauffer en faisant quelques longueurs et j'ai dû entrer dans le bassin en sachant que s'y trouvait Hémon. Il a attrapé ma cheville et m'a attirée dans les profondeurs de la piscine. Je me suis débattue. Les abysses chlorées me terrorisaient. J'ai heurté avec lourdeur le fond carrelé. Hémon me surplombait. Son poing ralenti par l'eau a frappé avec une certaine force ma mâchoire. Son genou s'est enfoncé dans mon ventre. Je ne pouvais pas fuir. J'étais forcée de me battre. J'ai lentement rassemblé mes forces, levé les yeux vers Hémon pour ne voir qu'une fois de plus le coup qu'il allait me porter. Ma tête est partie en arrière. C'était un combat de boxe au ralenti. Je voyais chaque coup arriver mais ne pouvais les éviter. Je réagissais trop tard. Je ne réagissais pas. Dans l'eau froide je gelais lentement. Quelques rares bulles fuyaient mes lèvres comme des comètes. Quand Hémon s'est lassé de mon corps amorphe, il a attrapé mon bras et m'a ramenée à la surface. J'ai inspiré comme un nouveau-né, les effluves de chlore. Allongée au centre du bassin j'ai tenté de ne pas pleurer. Hémon est sorti de l'eau où je gisais encore.

« Je t'attends dans les vestiaires. » a-t-il lancé avec un sourire.

Au fond des piscines rampent les anciens frères.

J'ai pris ma décision dans le bus au retour : je vais laisser ce journal à Claire, et peut-être à ma mère. Ce sont les deux personnes qui me connaissent le mieux. Ce sont les deux personnes qui en auront le plus besoin. Ça répondra aux questions de Claire et ça soulagera ma mère et Agnès me détestera. Elles le liront et c'est terrifiant, mais nécessaire aussi je crois. Elles me liront comme je suis et comme Hémon m'a faite.


4 mars


En sortant des vestiaires je redoutais le cours. Mon maillot de bain était toujours aussi jaune et les leurs toujours aussi noirs. J'avançais parmi elles et je détonais plus que d'habitude. Cette impression de ne pas être en sécurité s'est trouvée renforcée par la douloureuse présence de Hémon qui trônait sur le plongeoir. Il m'a fait signe de le rejoindre et je me suis exécutée. J'ai marché sur le carrelage humide avec un frisson de dégoût, j'ai monté l'échelle et avec précaution, me suis avancée jusqu'à Hémon qui m'attendait. Le plongeoir humide a légèrement ployé sous nos poids réunis. Hémon m'a désigné la surface parcourue de tremblements.

« Tu vois ? »

J'ai découvert mon reflet imprécis et celui de Hémon. Il souriait largement. Ça n'était pas un cauchemar. J'ai détourné les yeux, voir cette Antigone censée ne pas souffrir avec le bras de Hémon autour de ses épaules me donnait la nausée. Je ne comprenais plus comment elle pouvait ne pas en souffrir. Hémon toujours de bonne humeur, a lancé :

« Ton reflet ne t'apporte plus aucun réconfort depuis que je peux le torturer un peu, n'est-ce pas ? »

J'ai hoché la tête, vide. Il a renchéri :

BoygirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant