Partie d'Antigone - Chapitre 6

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[TW violence physique]


30 octobre


Les insultes ont été plus nombreuses aujourd'hui. Elles flottent autour de moi sans que je puisse réellement les entendre – elles ne sont pas dites de la voix qui me terrifie. S'ils avaient déjà une emprise psychologique quelconque sur moi, peut-être les écouterais-je avec plus d'attention. Leur haine ne m'atteint pas. Elle me fait rire. Ils ne pourront jamais me détester plus que je ne m'abhorre. En ce moment j'alterne entre les moments où je m'apprécie et ceux où je ne me supporte pas. Ce n'est plus la haine constante que j'ai pu me porter, il y a une amélioration certaine. Cependant, une nouvelle raison de me détester s'est ajoutée aux autres : j'aime Claire. Je suis amoureuse de Claire. J'infecte une amitié pure. Nous entretenons une relation que je trouve magnifique, et je ne peux m'empêcher de désirer plus : pour ça je me déteste. Je suis coupable.


Demain je vais voir Claire, c'est certainement tout ce qui compte.


Je devrais effacer ce que j'ai écrit hier. J'ai peur encore. C'est idiot.


1 novembre


J'ai fêté Halloween avec Claire. J'ai dormi chez elle, je viens de rentrer. J'ai dans la poitrine un cœur plus léger que d'habitude. Je le couche sur le papier pour ne pas oublier qu'aujourd'hui j'ai été heureuse. Plus je passe de temps avec Claire, plus je suis indécise au sujet du suicide. Mais ce n'est pas ce qu'il faut que j'écrive aujourd'hui.

Je suis allée chez Claire. Je suis entrée la première parce que la porte est difficile à fermer. Elle m'a fait rapidement visiter chaque pièce. Tout était ordonné, chaque objet paraissait parfaitement à sa place. C'est paradoxal, mais cela donnait une impression subtilement dérangeante. Ses parents étaient absents. Claire ne les aime pas beaucoup.

« Tu n'as pas envie de les rencontrer, crois-moi. Et puis ils me poseraient trop de questions. »

Il était assez tard, alors nous avons préparé le dîner. Je l'ai aidée à faire la cuisine, c'était un bon moment. La lumière que dispensait l'ampoule nue me paraissait chaleureuse parce que tous ses éclats se dispersaient sur Claire. L'adolescente a sorti deux jolis plateaux et des assiettes colorées. J'ai cherché les verres en ouvrant tous les placards, quand je les ai trouvés ça l'a fait rire. Nous nous sommes installées au salon, posant notre repas sur la table basse. Nous avions décidé de choisir un film d'horreur chacune et de les regarder ce soir – cependant nous voulions attendre qu'il soit assez tard pour qu'aucun enfant ne vienne nous interrompre. En effet, le premier coup de sonnette de la soirée retentit. Nous nous sommes précipitées dans l'entrée en attrapant au passage un paquet de bonbons : derrière la porte se trouvaient trois enfants. Il y avait deux sorcières et un fantôme. Ils ont crié de leurs voix naïves :

« Des bonbons ou un sort ! »

Claire et moi avons fait semblant d'être effrayées et leur avons tendu des friandises. Ils sont repartis ravis. Nous avons commencé à regarder le film de Claire un peu après vingt-et-une heure. Nous étions assises côte à côte dans le canapé. Comme dans les ruines précédemment, nos mains se touchaient à peine. Quand nous avions peur nous les crispions sans oser prendre celle de l'autre. Ç'a été une bonne soirée. J'ai oublié que j'avais envie de mourir, et quand il a fallu aller nous coucher, il m'a suffi de jeter un regard à Claire pour me rappeler pourquoi lentement, ces rêves suicidaires s'estompaient. Son sourire m'émerveille. Nous avons rejoint sa chambre. J'ai tout de suite aimé cette pièce, cependant je n'ai pas osé entrer. Elle m'y a invitée.

BoygirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant