Chapitre 4

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Le lendemain, Léo fut réveillé très tôt par le poète. Il se leva en grognant : son compagnon était de bonne humeur et pinçait gaiement les cordes de son instrument. Il n'était pas autant en forme. Il lui faudrait sûrement quelques jours de plus pour se remettre pleinement de son – court – séjour en prison. Décidément, il a de l'énergie à revendre celui-là... se dit alors Léo pendant qu'il mettait ses vêtements et accrochait les sangles qui tenaient ses épées. Il suivit le barde, descendit au rez-de-chaussée et sortit dehors.


- Ah que c'est bon d'entendre les oiseaux chanter, et de voir de belles femmes rayonner ! Je m'en irai bien les courtiser... ! Il s'arrêta de chanter. Pas toi Léo ?


Le mutant fit mine de l'avoir écouté, et alors qu'il voulait rebrousser chemin pour retourner à l'intérieur, Jaskier l'attrapa par la manche et le tira vers lui. Léo fut donc contraint de le suivre à travers la ville. Ils passèrent chez le couturier, où Jaskier mit un temps fou à choisir un nouveau pourpoint, qui, finalement était le même que celui qu'il portait déjà, mais légèrement plus foncé. Il en proposa également un à son nouveau compagnon, qui refusa poliment. Jaskier l'emmena ensuite sur la place du marché, où il devait régler ses dettes chez Vimme Vivaldi.

Pendant que le poète tentait de négocier une échéance plus longue avec le banquier, Léo fit quelques pas sur la place. Les gens se pressaient, les gardes patrouillaient à la recherche d'elfes ou autres races qu'il jugeaient inférieures pour les martyriser ou pire, les mener au bûcher. Des enfants couraient et se chamaillaient pendant que leurs mères conversaient avec les marchands et tentaient de faire – sans succès –baisser les prix. Lorsqu'il se retourna vers la banque, un détail attira son attention : Jaskier était en train de parler avec une jeune femme, encapuchonnée.

Il se rapprocha et distingua sous la capuche de l'inconnue des mèches cendrés, et il crut apercevoir des pupilles de couleurs verte. Une épée cinglait son dos, elle portait un chemisier blanc, un bracelet de cuir autour de son bras, et un corset au niveau de sa taille. Quand Léo arriva à leur niveau, la jeune femme l'aperçut. Elle murmura quelques mots au poète et se sauva incognito.

Le sorceleur la regarda s'éloigner : elle semblait ne pas vouloir qu'on la reconnaisse. Il interrogea alors Jaskier du regard. Le barde détourna les yeux, sifflotant comme pour montrait qu'il ne répondrait pas à la question, même sous la torture, et l'incita à le suivre. Léo se promit tout de même d'éclaircir cette affaire.

Le tueur de monstre oublia bien vite cette entrevue rapide des plus intrigantes tellement il devait jouer des coudes pour ne pas le perdre des yeux dans la foule. À la fin de la journée, ils rentrèrent tous deux à l'auberge. En y entrant, Léo reconnut - assise à une table - la jeune femme qui avait discuté avec Jaskier plus tôt dans la journée.

Sans capuche, elle avait les cheveux cendrés, attachés en chignon avec quelques mèches qui tombaient au niveau de son visage, du noir autour de ses yeux, et des pupilles vertes. À côté d'elle était posé sa lame, dans son fourreau. Elle sentit Léo la fixer et détourna la tête. La taverne était pratiquement déserte, seuls trois ivrognes gisaient dans un coin de l'auberge, un autre homme montait dans sa suite, Jaskier courtisait une demoiselle. La jeune femme aux cheveux cendrés regarda en direction du barde.


- Où tu l'as déniché celui-là ? emanda-t-elle à Jaskier, en posant son regard sur Léo. Elle semblait de mauvaise humeur, et son regard était hautain. Puis, elle haussa les épaules, ce qui eut pour effet d'irriter le sorceleur.

- Ah oui Ciri, j'ai oublié de te le présenter...


Une tension s'installa d'office dans l'auberge, si bien que le barde se mit à frissonner. Léo venait de passer une journée à suivre son nouvel « ami » partout comme un toutou et Ciri – c'est ainsi que la jeune femme s'appelait – semblait contrariée. Personne ne disait mot ; Jaskier fut le premier à prendre la parole.


- Je te présente Léo, comme tu peux le voir c'est un sorceleur... et...

Il continua à parler mais aucun des deux ne l'écouta. La jeune femme ne daigna même pas le regarder, et tourna la tête ailleurs.

À peine avait-elle entendu le nom de « Léo », que des souvenirs plus que désagréables étaient remontés à la surface. « Léo Bonhart », le chasseur de prime qui avait fait de sa vie un enfer. Un rictus amer se dessina de lui-même sur ses lèvres, que Léo décela. Il ne le fit pas remarquer, tant le poète était absorbé par son récit.

La jeune femme grogna, croisa ses jambes, pesta quelques fois, ce qui irrita plus le sorceleur. Il était prêt à lui faire avaler n'importe quoi, de force, pourvu qu'elle arrête ses bruits insupportables !

Pendant qu'il racontait son histoire, elle jouait avec une mèche de cheveux. Léo était assis en face d'elle et regardait ailleurs. La jeune femme aux cheveux cendrés l'agaçait au plus haut point. Quand le poète termina son histoire, Ciri était déjà monté à l'étage, toisant Léo d'un regard  arrogant et provocateur. Celui-ci n'y répondit pas, et se contenta de dire à Jaskier qu'elle était partie sans l'avoir écouté.

Le barde fut étonné, son amie ne réagissait jamais ainsi d'habitude. Il préféra la laisser. Léo monta également et croisa la jeune femme aux cheveux cendrés dans le couloir. Ils passèrent l'un à côté de l'autre et lorsqu'ils eurent échangé leur place, il l'entendit marmonner. Le sorceleur ne comprit pas tout, mais il distingua dans sa voix condescendante les mots « Jaskier » et « pétrin ».

Il entendit la porte de sa chambre claquer. Le sorceleur entra dans sa suite, poussa ses affaires et s'allongea sur son lit. Il repensa toute la soirée à ce qu'elle lui avait dit. Jaskier ? pétrin ? Dans quoi a-t-il bien pu se fourrer celui-là... Enfin bon...

Il s'endormit rapidement, alors que dans la chambre adjacente, Ciri se retourna maintes fois dans son lit sans parvenir à dormir. De son côté, Jaskier peina également à s'endormir, rongé par la culpabilité. Mais que vais-je faire mon dieu... ?! dans quel merdier me suis-je encore fourré bon sang ! se dit-il toute la nuit.

Cette nuit-là, personne ne soupçonna qu'il se tramait quelque chose au sein de l'un des quartiers de Novigrad. Deux hommes furent sauvagement tués cette nuit-là, pendus, les mains ensanglantées et une tête de renard sur leur cou, marquée au fer rouge.

Une lettre au sol, tachée de sang, fut ramassée au petit matin par un mendiant qui passait par là, et qui en profita pour signaler aux garder les deux meurtres. L'affaire fit bientôt le tour de la ville, et les habitants de Novigrad ne parlaient plus que de ça. L'affaire avait fait de nombreux inquiets. La lettre retrouvée par le mendiant fut quant à elle examinée à maintes reprises, copiées puis placardée sur les murs de la ville.


"Voici venu la fin de la prière éternelle

Voici venu le temps des horreurs et du sang

Voici venu la crainte perpétuelle

Voici venu le règne des puissants

Voici venu le temps des affronts, des refus

Voici venu le temps où l'harmonie n'est plus !"


Dans la demi-journée, la nouvelle arriva au Thym et Romarin, par l'une des nombreuses femmes courtisées par son gérant. Léo y prêta attention quand il vit Jaskier blanchir à la vue de la lettre qu'il avait dans les mains. Les craintes du poète étaient bel et bien fondées : il venait de mettre le pied là où il aurait bien du mal à se dépêtrer. De son côté, Léo se décida à retrouver le tueur, même si cela allait sûrement le mener bien plus loin qu'il ne le pensait.


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Ah ça y est Léo a rencontré Ciri, et ils ne semblent pas s'apprécier (en même temps elle a un caractère de cochon et elle reste méfiante, normal. Vous auriez réagi comment vous ?)

N'hésitez pas à laisser un commentaire et à partager le chapitre ou l'histoire entière si ça vous a plu !! <3

Un Sorceleur pas comme les autresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant