Cristal et Rubis

Comment tous se retrouver face à une situation mortelle en moins d'une minute R

Quand Fabien vient me réveiller, à quatre heures du matin, je peine à me lever, j'ai l'impression de n'avoir dormi que quelques minutes. À mes côtés, Ana dort comme un ange; elle a vraiment l'air d'une fillette, endormie comme elle l'est. Je m'en voudrais presque de devoir la réveiller à une heure si matinale et surtout pour une escapade de l'ampleur d'un éléphant. Mais je sais qu'elle m'en voudra encore plus si je la laisse rater une «telle aventure», comme elle dit, alors je le fais quand même. Elle émerge lentement du sommeil, mais quand elle se rappelle ce qu'elle fait là, elle bondit sur ses pieds, prend ses habits et file dans ma salle de bain, ne m'accordant qu'un bonjour éclair. Haussant les épaules, je la suis et m'habille rapidement tandis que mon valet nous attend dans la chambre, son sac sur le dos. Lorsque nous le rejoignons, nous prenons les nôtres, et allons voir Cristal dans sa suite. Elle nous y attend en compagnie d'Emma et Solène, elles aussi en tenues pratiques. Je suis abasourdie, c'est la première fois que je vois l'infirmière sans ses éternels talons rouges, et sa blouse ! Quand ma soeur me l'a présentée, c'était la première chose que j'avais remarqué. À présent, elle est vêtue d'un simple legging noir et d'un tee-shirt à manches courtes de la même couleur. Solène est dans le même genre. Nous nous regardons tous sans un mot, puis Ana rompt le silence:

Prêts ?

Nous hochons la tête sans répondre, nous sommes tous absorbés par nos pensées. Pour ma part, je revois ma liste des choses à emporter et vérifie et revérifie mentalement de n'avoir rien oublié. Je sens que Cristal relit encore et encore sa lettre dans laquelle elle a expliqué que nous n'avons pas été kidnappées, mais que nous sommes parties nous mêmes à la recherche de notre soeur. Bien entendu, elle ne mentionne pas que nous n'avons pas de «réel» plan. Nano ferait une crise cardiaque.

Enfin, Fabien répond en notre nom à tous :

- Prêts.

Comme personne ne peut se téléporter dans le palais sans notre accord, nous prononçons l'autorisation nécessaire, puis tous ceux qui possèdent ce pouvoir - à savoir, Cristal, Fabien, Solène et moi - se rassemblent en cercle autour des deux autres. Chacun prend l'une des mains de nos deux amies et à l'unisson -du moins, je le suppose, je ne peux voir que dans l'esprit de ma soeur- nous visualisons l'image de la clairière où nous avons prévu «d'atterrir» et nous invoquons la magie nécessaire. L'instant d'après, j'ouvre les yeux sur une barrière d'arbres menaçants. On dirait des fantômes. Déboussolée, je me tourne vers les autres et m'apprête à demander pourquoi nous ne sommes pas à l'endroit prévu, lorsqu'un cri strident me fait faire volte-face et dégainer mon sabre. Mais aussitôt, ma jumelle, Ana, Solène et moi éclatons de rire, Emma a été tellement surprise qu'elle a sauté dans les bras du premier venu, qui, malheureusement pour lui, se trouve être Fabien. Le pauvre n'y était pas du tout préparé et tombe aussitôt sur ses fesses avec notre infirmière qui l'enlace toujours et repousse un autre hurlement. Je pense que le pire c'est de la voir rebondir sur le ventre du valet avant de se stabiliser, un air ahuri peint sur le visage. Pour les autres et moi, c'est le summum, nous sommes pliées en deux et avons peine à reprendre notre souffle. Lorsque nous sommes calmées et que les deux sujets de notre fou rire ont repris contenance, Emma, se relevant, rouge comme une tomate, essaie de reprendre sa dignité en répondant à ma question sans que j'ai eu à la poser :

Excusez-moi, j'ai été surprise d'ouvrir les yeux avec de tels arbres à deux doigts de mon nez... Mais je pense savoir pourquoi nous ne sommes pas à l'endroit prévu. Je crois avoir vu passer dans un livre le fait qu'on ne peut se téléporter dans cette Forêt. Cela expliquerait tout.Ouais, bah en attendant, on a pas assez de vivres pour toute une traversée...

Ah, Fabien avec son éternel optimisme ! Il se relève en grimaçant et jette un regard noir à Emma, puis se rend compte que son langage n'est pas vraiment celui qu'il a choisi d'adopter en notre Impériale Présence... Il se reprend aussitôt tandis que toutes les filles ici présentes dissimulent un souris :