C'est l'heure de la fête : Cristal

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- Montez, les enfants, je vais vous y conduire.

- Merci, c'est très aimable à vous de nous éviter la route à pied. C'est étrange, j'ignorais que Nano avait une soeur.

Je m'installe sur la banquette arrière. L'engin tremble, et les roues en bois semblent prêtes à s'écrouler sous notre poids à tout moment. J'ai l'impression de faire un bond dans le temps, il ne manque plus que les tenues pour nous retrouver au XIXème siècle. Le dispositif s'ébranle, les chevaux poussent un hennissement, puis les rouages se mettent à tourner dans un grincement tonitruant.

- Vous savez, Nano est un homme très strict sur le point des convenances et, avoir une ermite pour soeur, ça doit lui valoir plus d'une humiliation.

- Je suis désolée qu'il ne vous accepte pas telle que vous êtes, madame.

- Pas de soucis pour moi, votre Majesté Impériale ! Je l'ai presque oublié, aujourd'hui. Alors, que venez-vous faire dans ce coin ? Ce n'est point convenable pour votre rang !

- Elle me fait penser à son frère, celle-là, murmuré je à l'adresse de mes compagnon. Malheureusement, la raison de notre présence ici est un secret d'État et je vais devoir vous demander de garder l'information quant à notre localisation. Toutefois, il nous faut absolument de quoi subvenir à nos besoins, et, le village le plus proche est...

- Muranille, oui.

Je crois que c'est la première fois depuis que nous sommes là que quelqu'un me coupe la parole, exceptée ma soeur. Je me rends compte alors que cette dernière me manque horriblement.

Soudain, alors que la vieille nous raconte la fois où on l'avait accusée de voler des framboises, une forme se dessine dans l'horizon. Plus nous nous approchons, plus je réussis à capter des détails éclairants. Un clocher, une église, peut-être. C'est le point le plus culminant. Des toits en triangles se dessinent petit à petit, mais je ne parviens toujours pas à y mettre de la couleur. Des cimes d'arbres se dressent comme des flèches d'entre les habitations. Je jurerais avoir entendu un hurlement de douleur, mais les autres, eux, ne semblent ni rien voir, ni rien entendre. La grand-mère, voyant mon désarroi, m'explique posément la situation :

- Si l'endroit se nomme les Champs Crompeurs, ce n'est pas pour rien. Il mettent en action tout nos sens, y compris le toucher, pour nous attirer dans le piège de la folie. Maintenant que vous le savez, vous pouvez en faire abstraction et il ne vous arrivera rien, je vous le promets. Ces lieux sont peut-être malins, mais la raison l'est encore plus.

- Vous voulez dire que, tout à l'heure, ce cadavre...

- N'était qu'une illusion, le fruit de votre imagination, en fait. Des âmes vagabondes, oubliées de tous ceux qu'elles connaissaient de leur vivant, s'immiscent dans votre esprit et prennent le contrôle de votre fabulation. Le plus dur ici n'est pas de savoir si ce que l'on voit est faux, mais de savoir si c'est vrai.

- Et comment le peut-on ?

- Il faut se fier à son instinct.

Plus facile à dire qu'à faire...

Nous continuons notre route, mais elle me paraît vraiment longue. Au bout d'un moment, je me demande si nous ne sommes pas en train de tourner en rond : encore un champ de coquelicots ! C'est la troisième fois... Non. Ce n'est qu'une hallucination. Je ferme les yeux et secoue ma tête, en me répétant continuellement que ce n'est qu'une illusion.

Et c'est reparti ! Je m'enfonce au plus profond des entrailles de mon esprit et pense. J'aime penser. C'est une de nos passions à Rubis et moi. Je me souviens, quand nous étions sur Terre, en cours, nous pensions au lieu d'écouter. Nous étions perdues dans une sorte de Millania imaginaire que nous nous inventions. Et lorsque la prof nous interrogeait, persuadée que nous étions ailleurs, ce qui était vrai, nous savions instinctivement où nous étions dans le cours. Des années d'entraînement.

Cristal et RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant