Nous apparaissons à l'orée de la ville, devant une armée de près de 2000 hommes qui s'inclinent aussitôt qu'ils nous voient, dans un entrechoquement de fer.
«Les gens doivent vraiment nous aimer pour risquer leur vie comme ça.»
«J'avoue.»
«Je crois qu'ils attendent quelque chose.»
«Ah, non ! Pas un discours, pas encore ! J'suis pas inspirée, là !»
«Ça va, je m'en charge puisque madame a la flemme.»
Je prends la parole :
- Chers millaniens, millaniennes, merci d'être venus si nombreux. Aujourd'hui, nous allons faire payer à Saphir sa traîtrise. Je ne vous cache pas qu'il risque d'y avoir des morts et des blessés, c'est pour cela que vous êtes tous volontaires. Mais ceux qui veulent voir l'arc-en-ciel doivent apprendre à aimer la pluie. La stratégie vous a été expliquée alors, lorsque l'on vous le dira, ceux qui peuvent se téléporter activeront leur pouvoir et l'étendront à leurs camarades. Soyez prévenus, de féroces animaux combattrons avec vous, ils sont de notre camp, ne les attaquez pas.
Ma soeur et moi levons les bras en même temps et pendant que toutes sortes de créatures -lions, tigres, piquegriffes et autres- s'alignent à mes côtés, une immense vague se dresse dans le dos de Cristal qui crie :
- Que la magie soit avec nous !
Nous abaissons nos membres. L'eau retombe avec grand fracas tandis que mes amis poussent chacun leur cri d'une seule et même voix : feulement, rugissement, hurlement...
Nous donnons le signal et une fraction de secondes plus tard, nous sommes devant la Forêt Ensanglantée et une autre fraction après, nous surgissons de l'autre côté des bois, à 200 mètres du palais de Saphir.
- À l'attaque !
Humains, animaux et eau se mettent à avancer du plus vite qu'ils le peuvent, côte à côte dans un tintamarre de cris et glougloutements. La résistance ne se fait pas attendre; ce qui me semble être un millier d'hommes se matérialise devant nous, nous arrêtant net dans notre course. Bien que ma soeur et moi ayons décidé de ne pas nous séparer, la bataille qui fait rage en décide autrement. Cela ne fait pas cinq minutes que nous combattons que je l'ai déjà perdue de vue.
«Cristal ?»
Pas de réponse. Je réitère mon message mais le résultat reste le même. Pourquoi ?
Aïe ! Mais comment j'ai pu m'arrêter totalement, moi ? Maintenant, malgré mes gardes du corps, un ennemi a réussi à me griffer la joue de la pointe de son épée !
Sans réfléchir, par réflexe, dans le même mouvement, je sors mon couteau de son fourreau, me retourne et balance mon bras tout en fermant les yeux. Lorsque je les rouvre, j'ai devant moi un cadavre ne tenant debout que parce que je le retiens de ma lame. Je prends conscience de que je viens de faire et lâche le poignard, laissant retomber le corps par la même occasion. Renversée, accablée d'avoir ainsi pu prendre une vie, celle d'un être vivant qui avait peut-être une famille, des amis, je hurle longuement :
- Aaaaaaaaaaaah...
Je dois bien tenir ainsi une bonne minute -j'ignorais d'ailleurs avoir autant de souffle- avant d'entendre la petite voix qui se fraye un chemin parmi mes pensées immobilisées et qui me souffle : «Hé oh ! Tu ne vas pas faire comme dans les livres, non ? T'es dans la vraie vie, là ! Et dans la vraie vie, des gens meurent tous les jours ! Et que ce soit toi qui l'ai tué ne change rien ! Donc ressaisis-toi.»
Je décide de l'écouter, mais alors que je regarde enfin autour de moi, je me rends compte que mes soldats, me voyant hésitante, sont moins assurés dans leurs gestes. Évidemment. Fallait que je sois un modèle pour eux. Bon reprenons-nous. Je transforme mon cri en une chanson que j'aimais bien, sur Terre :
- I'm gonna swing from the chandelier, from the chandelier.
Cela rassure mes combattants et je reprends le combat, pleine d'une motivation nouvelle. Ça peut sembler glauque, mais j'adore me battre. Juste parce que j'ai l'impression de danser. J'adore cette sensation de tourbillonner gracieusement. Non, mais j'suis grave quand même. Marre de moi. Autour de moi des gens souffrent et meurent, et moi je pense qu'à danser ! Ce n'est même pas un sport que j'affectionne particulièrement, en plus ! Pourtant, je suis bientôt rappelée à la dure réalité lorsque la première mort animale survient. Un lannec -mélange étrange entre un lama et un fenec. Je chancelle et l'adversaire en face de moi en profite pour me porter un coup au bras mais j'esquive au dernier moment grâce à mes réflexes et il ne me touche que le dos de la main, me laissant une mince estafilade. Bon. Se concentrer sur mon objectif. Entrer dans le palais, avec Cristal si possible.
De fil en aiguille, ou devrais-je dire de sabre en ennemi, j'arrive -après une heure de combat acharné- à atteindre mon objectif : une porte non gardée... Sauf qu'elle est blindée. Évidemment. Après quelques minutes d'examen attentif, je note qu'il n'y a qu'une serrure. Cela pourrait jouer en ma faveur... Si j'essaie de contrôler le mécanisme... Comme... Ça... Oui... Voilà... Allez... Ah, j'ai réussi ! Oui ! Je pousse la cloison avec difficulté, mais alors que je veux m'enfoncer plus avant, mes gardes du corps me retiennent pour me passer devant et vérifier s'il n'y a aucun danger. Agacée, je leur ordonne de rester à l'extérieur. Ils protestent beaucoup, mais je ne veux pas en démordre; ce qui va se passer là-dedans est une affaire personnelle entre Saphir, Cristal et moi. Ils finissent par céder et repartent combattre. Mais je suis de nouveau interrompue, par Belle cette fois, qui accourt avant que je ne puisse fermer la porte.
- Je viens avec toi.- Mais qu'est-ce que tu fais là, toi ?- Je suis ta chienne gardienne, je suis sensée veiller sur toi.- Mais tu devais rester au palais... - En théorie seulement. Là on est en pratique. Je viens avec toi. Point final.
Voyant qu'il est inutile de discuter, qu'elle campera sur ses positions, j'accepte et nous nous engouffrons à l'intérieur. Et, lorsque nous franchissons le seuil, c'est comme si nous passions un cap sans possible retour.
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Cristal et Rubis
FantasyDeux jumelles. Un inconnu. Bien évidemment, lorsque ce dernier leur annonce qu'elles sont impératrices dans un monde parallèle, Millania, sur la planète Géfain, elles le suivent. Une année heureuse s'ensuit. Bien évidemment, cela ne pouvait durer. U...