Attaque ou défense ? Telle est la question : Cristal

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Cette fois-ci la pièce dans laquelle nous sommes est totalement noire. Pas une infime particule de lumière. Pas un son. Si je ne frôlais pas le pelage de Brave, je ne pourrais pas distinguer le plafond du sol.

- Sérieux elle a quoi avec les salles dans le noir, cette...

- Cristal tu te sens bien ?

- Bah oui, pourquoi ?

- Il y'a une grande baie vitrée, juste là ! s'écrie mon protecteur, La salle est claire comme le jour.

Mais avant que je ne puisse répondre, une silhouette blanche ondule vers moi, pendue dans les airs comme un fantôme.

- C'est quoi ça ?

- De quoi ?

- Mais ça ! Là !

- Cristal, je vois rien.

- Mais ça vient là ! Brave, je vais où ?

Je me mets à reculer selon les instructions de l'animal, quand la créature vient barrer mon chemin. Tandis que j'esquive l'étrange esprit en glissant sur la gauche, j'explique la situation à Brave, littéralement déboussolé.

- On dirait un revenant. Ça vole. Ça avance doucement, encore heureux ! Ça se multiplie ! Y'en a trois ! Quatre !

- STOP !

Je m'arrête net. Mon coeur fait un bond.

- Quoi ?

- N'avance surtout pas.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Une sorte de... De scie, sortie à l'instant du sol. Recule. Voilà. À gauche.

- Mais c'est quoi ces tortures ! On est sensés faire comment ?! J'sais même pas où est la sortie !

Calme-toi. Je la vois.

Blanc.

- La parole, dis je dans un murmure à peine audible.

- Hein ?

- Elle a voulu nous piéger ! Seul, on ne peut y arriver, mais à deux, nous sommes complémentaires et la solution est la parole ! Tu me guides; je les tue; on sort.

Par la suite, je lui décris les déplacements des dames blanches (on va les appeler comme ça) et lui me dirige en fonction des indices que je lui donne. De mon arc, je tente d'en transpercer une, en vain. La flèche la traverse, sans causer aucun dommage. Soudain, je m'arrête. Ça m'arrive de réfléchir parfois ? Mes pouvoirs. Je doute que ça marche, mais qui ne tente rien n'a rien. Je les essaye un par un. Aucun ne fonctionne. Prévisible.

- Alors ?

- Non. C'est bizarre, ça marchait quand je t'ai sauvé. Comment on est sensés vaincre ces trucs ?

- Bonne question.

Soudain, une des dames blanches passe devant moi, très proche. Affolée, je sors un couteau d'une poche intérieure et le braque. La dame se retourne lentement vers moi et tend une de ses mains. Ses doigts sont si longs et si pâles que ça en devient effrayant. Je n'ose même pas regarder son visage; elle n'en a pas. Une simple face blanche, comme une pion de dames, perdu au milieu d'une foule de ses semblables.

Tendant mon arme, je recule mais reste bloquée contre une paroi. Brave me questionne, inquiet; je l'ignore. Car une torture si bouleversante vient de m'atteindre en plein coeur comme une crise cardiaque. Inattendue, imprévisible. On ne sait même pas pourquoi elle est là. Elle est juste là. Car la douleur existe et qu'elle ne cessera jamais d'exister.

La dame vient de frôler ma main de la sienne. C'est comme un milliard d'aiguilles qui viennent se planter si profondément que ça vous traverse les os. Bien sûr, ce n'est techniquement pas possible. Une aiguille n'est pas assez solide. Mais celles là, bien réelles, peuvent aller plus loin. Transpercer la main entière. Remuer la chair. Déplacer les os. Faire de votre main un membre indescriptible et irremplaçable. C'est si intense que je reste là, immobile, à contempler ma main comme un spectateur. Incapable d'agir, je ne peux qu'attendre que le martyre cesse. Et il cesse. Lorsqu'inconsciemment j'ai rangé mon arme, lorsque la dame est hors de danger et lorsqu'elle se détache enfin de moi pour poursuivre sa route.

- J'ai compris.

- Cristal ! Tu vas bien ? Tu avais l'air paralysée !

- J'ai compris.

- De quoi ?

- La parole est une option. Ceux qui veulent se battre le peuvent, grâce à cet outil plus fort que la magie. Mais il y a une autre possibilité. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Les dames n'attaquent qu'en cas de danger, comme des herbivores dotés de grandes capacités de défense. Si elles se sentent en sécurité, elles ne chargent pas. Ça doit être de même pour les pièges. Il nous suffit juste de traverser la salle pour sortir, sans éprouver aucun sentiment autre que de vouloir sortir. Pas d'armes, pas de méfiance.

Je sens Brave acquiescer. Sans un mot, nous avançons. Avec crainte au début, puis nous prenons de l'assurance et finissons par courir tant le désir de vaincre Saphir au plus vite nous accable. En effet, les dames blanches font abstraction de nous et les pièges ne se manifestent pas. Arrivés au bout, Brave me signale de m'arrêter et me mène jusqu'à la poignée. Je la tourne et ouvre la porte, espérant un peu plus me rapprocher de mon but qui ne me semble pas à l'instant atteignable. Je plisse alors les yeux malgré moi, car le contraste entre noirceur et lumière est violent.

Cristal et RubisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant