Cristal et Rubis

Échapperons-nous à la mort ? : Cristal

Si ça se trouve, les autres personnes ne voient pas les mêmes couleurs que moi. J'veux dire, peut-être que je vois mes yeux en bleu, mais que Solène, elle, les voit en vert ! Et son vert à elle, il se nomme bleu ! C'est hyper étrange, mais, peut-être que les extraterrestres de Solène ont une couleur de peau comme la mienne, du moins comme je la perçois, et que pour elle c'est super bizarre ! Non ! J'viens de m'imaginer Solène en vert ! Ah, faut vraiment que j'arrête, j'ai des images chelou dans la tête là...

«Qu'est-ce que tu racontes, Cristal ? J'comprends rien !»

«Arrête de fouiller dans mes pensées ! T'es pénible !»

«Pardon... Pourquoi tu t'énerves ?»

«Mais pour rien, fiche moi la paix !»

Je déteste qu'on me coupe de mes pensées ! En particulier par une personne -soit disant ma soeur- qui ne m'avertit pas de la manifestation de son pouvoir primaire, alors que je suis sensée être la première -excepté elle, bien sûr- à être au courant !

Je marche à présent d'un pas alerte, un peu trop rapide même, les autres tentant de me rattraper du mieux qu'ils le peuvent. Emma me supplie d'aller moins vite, mais Rubis leur suggère à tous de laisser tomber, en prenant bien le soin de leur raconter mes manies quand je suis en colère.

Vas-y, c'est ça, crie plus fort ! Elle sait très bien que ce genre de remarques m'énerve... Pourquoi je ne l'ai pas disputée directement après la scène de tout à l'heure, déjà ? Ah, oui, c'est vrai, j'étais sous le coup de l'émotion, elle venait de me sauver la vie. C'était la première fois, ça m'a fait un choc.

Mais, attends, pourquoi je n'entend plus de pas, derrière moi ? Je me retourne vivement, m'attendant à être seule, perdue au milieu d'une gigantesque forêt dont je ne connais aucunement la sortie. Mais bien au contraire, tout le monde est présent, à la seule différence qu'il sont tous immobiles. Ils ont l'air heurtés, sauf Rubis qui a un mélange de tristesse et de fureur dans les yeux. Je ne saurais dire ce que cela représente réellement. Mince, je crois que j'ai parlé à voix haute.

Je m'apprête à répliquer, quand soudain, un cri strident retenti : Solène désigne de son doigt tremblant un point derrière moi. Tous les autres poussent un rugissement à leur tour, sauf Emma et Rubis qui reculent posément (je me demande comment elles font pour être toujours aussi calmes).

Je me retourne silencieusement, et, lorsque mes yeux se posent sur la créature, je ne peux empêcher qu'un mugissement sorte de ma bouche.

-Restez calmes, et reculez sans mouvements brusques, ordonne l'infirmière.

J'écoute ses conseils, mais, comme un malheur n'arrive jamais seul, et que je n'ai surtout pas de bol, je trébuche sur une pierre et me vois dans l'obligation de dégainer mon épée si je ne veux pas finir lacérée.

Un corps noir, huit pattes velues, une queue de reptile jaune fouettant l'air comme si elle pouvait le défier, des yeux gris comme l'acier. Aucun doute, cette bête ne ressent rien d'autre que le désir de tuer.

Je suis pétrifiée par la peur, c'est la première fois que je vois une bête aussi dangereuse et puissante. J'ai l'impression que mon cerveau se met en pause, je n'arrive plus à contrôler mon corps. Seul mon esprit est conscient, puis, par une prouesse technique que je ne saurais expliquer, je parviens à «activer» mon adrénaline juste avant que l'animal mi-araignée-mi-serpent ne me donne un puissant coup de ses griffes acérées, que j'esquive en me baissant. Prête à fendre l'air avec mon arme, je m'avance en oubliant, par je ne sais quel moyen, le risque de mort avec lequel je joue comme avec le feu. Je crois que c'est ce qu'on appelle le courage. Je me sens comme une guerrière, comme si combattre faisait partie de mon quotidien.