Chapitre 14 ~ Scott

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Retour au présent

Je suis allongé sur mon lit depuis au moins une heure et pourtant, le sommeil ne vient pas. Il doit être au moins minuit et je ne fais que me ressasser l'altercation que j'ai eu avec Ava tout à l'heure. Les mots qu'elle m'a assénés, tout comme la gifle que j'ai reçue et que j'ai bien mérité, ne font que tourner en boucle dans mon esprit.

Tu as gagné... je ne t'approcherai plus. J'ai gagné, vraiment ? C'est pourtant ce que je voulais... qu'elle ne m'approche plus, qu'elle arrête de chercher l'ancien Scott, celui que j'ai essayé de faire disparaître. Alors pourquoi est-ce que j'ai l'horrible impression qu'on m'a arraché le cœur ?

Emporté par mon désir de la faire fuir, de la protéger de moi, je l'ai à nouveau blessé. J'ai fait exprès de sous-entendre des choses sur elle, alors que je sais parfaitement qu'elle n'est pas du tout comme ça. Ava serait bien la dernière personne sur cette terre à se rapprocher d'un garçon juste pour assouvir un quelconque désir. Et c'est bien ça qui la rend si unique.

Elle avait l'air tellement fragile et vulnérable au milieu de cette rue. Mais ce qui m'a le plus coupé le souffle à ce moment-là, c'est la détermination farouche que je lisais dans ses yeux bleus si envoûtants. Ava a raison, elle a changé. Et c'est bien ça qui me fait peur. Bien plus que de lui faire à nouveau du mal, ou bien qu'elle sache ce que j'ai réellement enduré durant toutes ses années, c'est l'idée de succomber à l'attirance inexplicable que j'éprouve malgré moi pour Ava qui me pousse à essayer de m'éloigner d'elle le plus possible.

Je me redresse et me lève du lit pour aller farfouiller dans ma bibliothèque, sans prendre en compte l'heure. Je finis par trouver le livre que je cherchais. Les minuscules particules de poussières qui se trouvent dessus contrastent avec les fines couches qui recouvrent tous les autres ouvrages que je possède et que je n'ai pas touché depuis des mois. Celui que je tiens entre mes mains est bien le seul que j'ouvre régulièrement. Je l'ai d'ailleurs sorti de cette bibliothèque pas plus tard que la semaine dernière.

Je l'ouvre à la page où se trouve le fameux marque page et relis la phrase de ce bouquin qui a le plus de sens à mes yeux et qui a toujours résonné en moi comme une évidence : "Elle était mon rêve. Elle a fait de moi ce que je suis, et la tenir dans mes bras était plus naturel pour moi que d'entendre battre mon cœur." Je laisse mes yeux s'attarder doucement quelques secondes sur la page et notamment la suite du texte, avant de venir accrocher le petit trèfle à quatre feuilles qui fait office de marque page. Je le saisis délicatement entre mes doigts pour ne pas l'abîmer. Ce trèfle aura bientôt six ans. Flétri par le temps, je me rappelle pourtant encore de ce soir où je l'ai eu. Ce petit objet représente mon passé, mon douloureux et pourtant si magnifique passé à ses côtés.

Ce sera notre porte-bonheur ! Me rappeler ses mots me replonge dans une mélancolie sordide. Les souvenirs de ce soir-là reviennent, comme un torrent de moments que je ne parviens pas à oublier malgré moi. C'est à partir de là que ma vie a commencé à se briser. L'un des derniers jours où j'ai pu profiter de ce magnifique sourire qui illuminait autrefois mes journées...

Je l'aimais tellement... J'ai aimé Ava comme personne sur cette terre, mais elle m'a quitté, certes contre son gré, en ne laissant plus rien sur son passage à part des mots doux et des promesses d'avenir. J'ai essayé de rester fort, de ne pas me laisser atteindre, mais c'était trop dur. Tout m'a explosé à la figure en si peu de temps que j'ai encore du mal à croire que tout ça m'est vraiment arrivé. Mais lorsque je rentre à la maison chaque soir et que je vois les bouteilles de bière et d'autres alcools vides qui jonchent la table basse du salon, je me rappelle que ce que je vis, aussi cruel et inimaginable que cela puisse être, est bien la réalité.

Juste comme avantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant