Chapitre 55 - Le secret d'Edhel

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« Chaque cœur doit un jour traverser un labyrinthe dont il est le seul prisonnier. »
Chevalière P'ir de Pétale d'Acier

Toute la semaine, Silhouette et la Légate vinrent observer aux écuyers durant leurs entraînements. Lors de ces visites elles ne disaient rien, regardaient assez longtemps pour se faire une idée du niveau de chacun avant de s'en repartir aussi silencieusement. Elles passèrent voir Obscura et ses amis plus souvent que les autres mais l'Écuyère n'eut jamais la possibilité de les approcher, Silhouette restait inaccessible même en dehors du palais. Elle déambulait dans les couloirs sans jamais prononcer le moindre mot, escortée par au moins deux de ses paladins vêtus comme de simples gardes. Et toujours, le canard du Chevalier Dehvean observait en silence le va-et-vient des domestiques et des écuyers. Les agents sidhes s'absentaient des jours entiers pour enquêter dans la région et réapparaissaient le soir l'humeur plus mauvaise encore.

Les troisièmes années revinrent un matin. Toute l'école se rua dehors pour les accueillir sous les acclamations, Sidhes et gardes impériaux sortirent également tout en restant en retrait.

Silhouette frissonna sous son voile lorsque les futurs Chevaliers s'arrêtèrent devant le perron. Légate Rise fronça des sourcils.

Loin de partager l'entrain de leurs cadets, les valeureux héros revenant de mission affichaient piteuse allure. Recouverts de poussière mêlée de sang séché, exténués, ils peinaient à avancer sous le poids de leurs propres paquetages lorsque leurs montures boitaient à leur côté. Il n'y avait pas un seul d'entre eux qui fut épargné : tous portaient bandages, armures cabossées, boucliers enfoncés, armes brisées. Des giclures rouge ou noires zébraient leurs vêtements déchirés. Certains étaient à peine reconnaissables tant leur visage était tuméfié... La première cicatrice d'un Chevalier se gagnait lors de cet examen final, et par chance cette année il n'y avait eu aucun décès.

Les pages se précipitèrent pour aider leur mentor. Elsya fondit en larmes : un épais bandage enserrait la main gauche d'Asharty jusqu'au coude. Idrid manqua de s'évanouir devant la blessure sur le flanc de Thangris, et Garudiel, les yeux pleins humides, proposa son épaule à Qahim blessé à la jambe. Obscura se jeta dans la foule à la recherche d'Edhel. Il était bien là, la lèvre gonflée et le visage couvert de bosses. Mais son simple bandeau de cuir manquait, remplacé par un épais linge rougi. Il se tenait courbé, la tête reposant sur l'encolure de son malaflon aux poils brûlés.

– Edhel ! L'appela Obscura en tirant l'animal à l'ombre.

Avec difficulté, il ouvrit son œil valide et afficha un sourire exténué qu'il voulut rassurant. Il parvint à l'effet inverse.

– Tu as mal ? Dis-moi ce que je peux faire pour t'aider !

Elle le retint de justesse lorsqu'il s'écroula de sa monture.

– Ne t'en fais pas, j'avais déjà perdu cet œil de toute façon, plaisanta-t-il d'une voix éraillée avant de devenir blême. Obscura, qu'est-ce... qu'est-ce que fait la police de Neredhel ici ?

– Ils accompagnent quelqu'un d'important. Je t'en parlerais après, mais c'est pas le plus urgent. Il faut te soigner et...

Elle n'eu pas eu le temps de finir sa phrase, Edhel était déjà parti. Il préféra faire le tour de l'école et utiliser l'entrée des livraisons plutôt que de rentrer par la grande porte en passant devant les gardes et les domestiques. Obscura remarqua les regards entendus et petits signes de tête que s'échangèrent entre eux les agents... Rise la fixa d'un air sévère avant de disparaître à son tour dans le château à la poursuite du capitaine sidhe.

Obscura se dépêcha de rejoindre Edhel.

– Qu'est ce qu'il se passe ? Tu ne veux pas rester pour la cérémonie d'accueil ?

Les Larmes Noires du Dragon Tome 1 - Écuyère /// v2/// TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant