Chapitre 71, Retour aux Ruines, fin

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Soudain, un frémissement dans l'ombre. Le cadavre d'un scolorpion palpitait encore sous une grosse pierre. Une silhouette en sous-vêtement sauta sur une sculpture brisée.

– Ergil, je te cherchais, fit Louhan. Euh, Chevalier de Poussière, se corrigea-t-il en louchant sur le masque de tissus.

- Je ne m'attendais pas à ce qu'une troupe aussi nombreuse se déplace pour moi ! répondit le jeune homme d'une voix forte, poings sur les hanches. Je me battrais jusqu'à la mort pour —

– Roh, mais arrête ton opéra, gloussa Elsya. Personne ne nous envoie, on s'est tous enfuis.

– Ah, fit-il, presque déçu. Hm, d'ailleurs, je suis désolé pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure...

– Bah, ne t'en fais pas pour ça, répondit-elle en balayant le passé d'un geste de la main. On ne t'en veut pas.

– Comment ? s'écria Idrid. Parle pour toi, Elsya, parce que moi je lui en veux ! continua-t-elle en pointant un doigt accusateur vers le jeune homme. Non seulement j'ai dû supporter tes cabrioles absurdes toute l'année — d'ailleurs je suis sûre que c'est toi qui m'as barboté mon collier de perles — mais en plus tu as saccagé le Bal de Passation ! Alors ne t'imagine pas t'en sortir à si bon compte : dès qu'on sera hors de ce palais stupide, je vais t'en donner, des raisons d'être désolé !

– Mais Idrid, je croyais que tu ne l'aimais pas, ce collier ? lui chuchota Louhan. C'est ton cousin qui te l'a...

– C'est pas ça le problème ! rétorqua Idrid, les lèvres tremblotantes de colère.

Elle posa un regard scandalisé sur le Chevalier de Poussière. Celui-ci parut un peu plus navré.

– Je suis sincèrement chagriné d'avoir ruiné cette soirée, Idrid De Garchel. Je vous promets de me racheter.

– Moi je vous pardonne tout, Chevalier de Pousssière..., soupira Tlara en papillonnant des cils. Vous avez froid ? Vous voulez de ma couverture ?

– Non merci, je n'aimerais pas vous priver, répondit-il en souriant, touché par son geste.

– Oui merci, je préférerais aussi, les coupa Idrid en désignant le caleçon à rayures du Chevalier de Poussière et le simple morceau de tissus trempé qui dissimulait la pudeur de Tlara au regard du monde entier. Bon, et maintenant j'aimerais qu'on m'explique enfin pourquoi toute l'école se balade à poil dans les couloirs d'une ruine antique ! Je ne comptais pas passer ma soirée à rhabiller les gens, mais apparemment c'est normal, ici. Alors soit on m'éclaircit la situation, soit je m'en vais immédiatement et je préviens la directrice ! Et l'impératrice ! Et Thangris !

– On n'est pas forsscément obligés de garder sses vêtements. Ssi tout le monde sse déshabillait, sse sserait plus ssimple, souffla Tlara, mais le regard que les autres lui jetèrent lui fit comprendre que ce n'était décidément jamais le moment.

– Bon, ça suffit ! Vous ne m'attirez que des problèmes. Louhan, fait ce que tu veux, moi je rentre avant que l'Impératrice ordonne de nous faire décapiter. Ma tête est trop délicate pour finir sur un billot !

Un nouveau tremblement de terre lui répondit. Cette fois plus fort que tous les autres, le grondement résonna dans toute la salle.

– Qu'est-ce que... commença-t-elle pour râler, que le jeune homme masqué l'attrapa et la tira sur le côté pour éviter la chute d'un énorme bloc de pierre qui manqua de l'écraser, elle et sa tête délicate.

Il saisit également Tlara alors que de nouvelles secousses faisaient s'effondrer de grands pans de mur. Les six adolescents foncèrent tête baissée en esquivant les roches qui tombaient dans d'épais nuages de poussière grise. Ils se ruèrent dans un couloir pour se mettre à l'abri, et constatèrent avec effrois que toute retraite leur était désormais coupée.

– Ah minssce alors ! Comment on va faire ? observa Tlara qui restait blottie contre le torse du Chevalier de Poussière. Nous ssommes condamnés à attendre les ssecours isci...

– Non, nous devons continuer, fit Garudiel en brisant les rêves de la Wyverne. Avec un peu de chance, il y aura une sortie au bout. Je doute que les architectes qui ont construit ce palais n'aient prévu qu'une seule entrée.

Idrid les suivit en se demandant bien ce qu'elle avait fait pour mériter tout ça.

Tout au bout du couloir, une lueur devint une lumière chaude et puissante à mesure qu'ils s'approchaient, illuminant les parois qui allaient en s'élargissant. Les vestiges de statues déjà effondrées gisaient sous une couche de gravats. Le grondement des pierres les enveloppa, ils devaient se parler à voix forte s'ils voulaient s'entendre.

– Ah ! j'espère qu'on est arrivé. On a traversé deux cents pièces au moins ! fit Elsya en ébouriffant ses cheveux poussiéreux.

– En réalité ça fait soixante-sept salles et presque autant de couloirs, lui répondit Garudiel. On s'est à peine enfoncé de six étages, mais on est remonté plusieurs fois pour redescendre. Les bâtiments émergés ne représentent qu'une infime partie du palais.

– Mais comment fais-tu pour retenir ce genre de choses, alors que tu te perds tout le temps ? soupira Elsya. Bah, peu importe, j'espère que le trésor à la fin soit intéressant.

– J'ai croisé un coffre, tout à l'heure, mais il grognait. Alors je ne l'ai pas ouvert, remarqua Tlara.

– Tu as bien fait, répondit Garudiel en survolant mentalement la liste des créatures douées de caméléonisme. Ça aurait grandement compliqué notre affaire.

Le Chevalier de Poussière ne les écoutait pas. Il marchait devant, concentré sur le chemin à prendre et les potentiels ennemis qui pouvaient encore rôder dans les lieux. La compagnie qui le suivait en profitait également pour observer les nombreuses cicatrices qui marquaient son corps. Soudain il se retourna vers les restes d'une gigantesque statue effondrée et leur fit signe de s'arrêter.

– Allons bon, qu'est-ce qu'il a trouvé maintenant ? bougonna Idrid.

Avec un grincement aléatoire, un loup sortit des décombres. C'était Corbeau, et Edhel le suivait en se tenant la tête. L'animal se précipita vers Ergil qu'il reconnut sans mal à l'odeur. Il lui flaira tout ce qui lui était possible et le couvrit de bave avant de répandre tout autant de salive sur ses camarades.

– Edhel ! Est-ce que tu as fait une nouvelle crise ? s'inquiéta le jeune homme masqué.

– Oui mais ça va mieux maintenant..., répondit-il en reprenant ses esprits. Qu'est ce que vous faites tous ici ?

– Justement, c'est bien ce que je me demande ! s'exclama Idrid. J'ai suivi Louhan pour lui rendre son slip, Louhan a suivi Ergil — alias le Chevalier de Poussière — qui te suivait, Tlara a suivi Garudiel qui suivait Elsya...

– Je suivais Obscura, en fait, lança distraitement Elsya.

– Obscura est ici ? répéta le Chevalier de Poussière avec effroi.

- Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ? s'écria Idrid en levant les bras au ciel. Évidemment ! Évidemment c'est Obscura ! Obscura-ci, Obscura-ça, c'est un aimant à ennuis, cette fille !

- Obscura ! souffla Edhel à son tour en se précipitant vers la salle suivante. Il s'y engouffra et se réfugia derrière un éboulis. Ses compagnons le rejoignirent sans faire de bruits. Abandonnée sur place en pleine colère, Idrid ravala sa bile et les rattrapa en traînant des pieds.

Sept têtes dépassèrent de derrière leur cachette et se pétrifièrent quand ils virent le dragon.

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Les Larmes Noires du Dragon Tome 1 - Écuyère /// v2/// TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant