Chapitre 28 - Risette et Féranthropes

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– C'est scandaleux !

– Voyons, calme-toi...

– Oh, Louhan, tais-toi ! Personne ne t'a demandé ton avis ! cracha Idrid de sa voix la plus méprisante.

Debout dans la classe du Chevalier Acelain, les yeux de l'écuyère jetaient des éclairs sur l'assemblée.

– J'ai appris de source sûre qu'un féranthrope se promène dans le château, et personne ne fait rien ! Dame Tabarh ne veut pas ébruiter la nouvelle, mais vous, Chevalier Acelain, comment pouvez-vous refuser de parler de cette horrible créature alors que votre devoir est justement de nous former à l'éliminer ?

Lela-laely et Rynie, assises à côté d'elle, hochèrent la tête.

– Je compte prévenir ma mère dès ce soir. Un féranthrope et personne ne fait rien. C'est inacceptable, ajouta la dryade avec une moue pincée.

– Vous attendez qu'un loup vienne nous dévorer vivant dans notre sommeil, c'est ça ? accusa ensuite Rynie. Ou bien vous le protégez ?

Elles réussirent à semer le doute dans la classe. D'abord en un faible clapotis, des vagues de rumeurs s'élevèrent bientôt dans les rangs. Les quelques-uns qui suivaient Chevalière Douceliah dans sa milice du Lunac approuvèrent haut et fort : eux aussi avaient entendu parler de cette créature dangereuse qui rodait dans les bois et dans le château. Tous les professeurs étaient déjà au courant mais rien n'avait été fait pour capturer la bête, car c'était la première fois qu'il venait détruire le potager. Seule Chevalière Douceliah avait pris le problème à bras le corps et tempêtait pour installer de nouveaux pièges (pour féranthrope ou filou masqué). (Il devenait dangereux de se promener dans les jardins sans faire attention où l'on marchait : depuis le début de la semaine, trois domestiques avaient eu la peur de leur vie en tombant dans des trous profonds ou se retrouvant suspendu dans un filet.)

Louhan, resté silencieux à côté d'Idrid, approuva mollement de la tête tout ce qu'elle disait parce qu'il y était obligé. Elle était odieuse avec lui mais devait quand même partager ses entraînements avec le beau Thangris. D'indifférente envers son camarde devant son mentor, elle devenait tyrannique quand elle se retrouvait seule avec lui... Elle souffrait déjà de l'avoir à ses côtés, autant qu'il sache se tenir à carreaux tous les autres moments !

Le Chevalier Acelain s'apprêtait à poser sur le luminodiffuseur une plaque de verre à propos de la Pie-romane, un oiseau aussi bavard qu'explosif, quand il s'arrêta et se tourna vers Idrid.

– Je sens comme une certaine tension dans la classe... Je crois comprendre que vous aimeriez que j'aborde le thème des féranthropes un peu plus tôt dans le programme de l'année. Est-ce bien cela, écuyère Idrid ? répéta-t-il calmement en rangeant le verre dans sa pochette en papier.

- Oui ! répondit-elle en levant le menton. Qui ici n'a pas envie de connaître enfin la vérité ? On nous ment !

– Ouais, on veut savoir ! appuya Lidoire, avant d'être repris par d'autres élèves.

Louhan s'affaissa lentement sur sa chaise, le visage perdu entre ses doigts moites.

Elsya, emmitouflée dans une longue écharpe qui lui faisait plusieurs fois le tour de la tête, marmonna quelque chose et rit à sa propre plaisanterie. L'épaisseur de laine étouffait sa voix, la transformant en une étrange créature moelleuse et bougonnante. Elle avait boudé en début de cours parce qu'elle n'avait pas pu garder son manteau ni son bonnet, mais elle avait si bien marchandé avec le professeur qu'elle avait pu conserver son écharpe et ses gants. Ses fleurs restaient résolument fermées, blotties sur le dessus de sa tête pour profiter de sa chaleur corporelle.

Les Larmes Noires du Dragon Tome 1 - Écuyère /// v2/// TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant