Chapitre 68 - La Geste de Tlara

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La porte se referma en claquant derrière Tlaratissesh ; elle comprit au bruit du loquet qu'elle était coincée ici jusqu'à ce qu'on s'occupe de son cas.

– Sc'est asssez embarrasssant, toute scette hisstoire, déclara-t-elle pour elle même en regardant la porte, les poings sur les hanches.

Elle étudia son environnement. C'était une pièce sombre, avec une fenêtre grillagée qui donnait sur la cour. Autour d'elle, des tas de tissus blancs sentaient le savon et la lavande, des lainages, des cotons ou des soies, et des machines alambiquées qui s'élevaient jusqu'au plafond.

Par le grillage, elle aperçut Garudiel s'envoler dans la nuit, porté par l'énorme scarabée d'Elsya. Sa langue claqua en goûtant l'air. Ce n'était vraiment pas prudent de sa part, avec cette violente tempête qui approchait. Mais peut-être ne ressentait-il pas aussi bien qu'elle les effets de la météo.

Tlara appréciait Garudiel. Il était le seul squamata de l'école. Il l'avait aidé à s'adapter à sa nouvelle vie parmi eux et à comprendre les étranges comportements sociaux des gens.

Sa langue bleue pointa plusieurs fois pendant qu'elle réfléchissait. Elle vint rapidement à la conclusion qu'il était de son devoir de ramener Garudiel en lieu sûr, et ce même si elle risquait d'avoir des problèmes ensuite.

La porte était fermée à double tour, le grillage trop fin pour pouvoir passer au travers, trop solidement encastré pour le forcer. Elle y plaqua son visage et jeta une œillade vers l'extérieur : l'un des gros tuyaux de la machine traversait la paroi et débouchait dehors, au-dessus d'un lavoir.

Elle envoya violent coup de queue dans la jointure. Le tuyau tomba au sol dans une pluie de plâtre. Tlara regarda par le trou et siffla de satisfaction. L'ouverture était étroite et le mur épais, mais c'était bien la cour de l'autre côté.

Elle retira ses vêtements (en s'assurant bien avant que personne ne pouvait la voir, parce que ça avait l'air important pour les humains), les plia et les déposa dans le tas de linge sale. Au moins, elle faisait bien les choses. Une fois nue, elle passa un premier bras, puis un deuxième par l'ouverture dans la pierre. Elle glissa sa tête, prit appui sur une machine et se poussa dans l'étroit tunnel. Et ensuite, alors que n'importe qui aurait commencé à paniquer en s'apercevant qu'il ne pouvait plus bouger, Tlara ondula. Elle avait peu d'espace, mais elle se tendit et se tortilla patiemment comme un serpent. Petit à petit, elle avança.

Elle réussit à se tirer hors du mur, sous l'averse qui se transformait en déluge. Elle se dirigea vers les écuries en faisant bien attention à ce qu'on ne la voie pas : elle était nue.

Quelques instants plus tard, Tlara, drapée à la va-vite dans une couverture qui sentait le mammifère mouillé, sorti du bâtiment en chevauchant la première monture trouvée.

– Il est vraiment très joli, sce poney-là, fit Tlara qui avait tout de même raté pas mal de cours de Joute et de Compagnonnage.

Elle admira l'animal, un cheval avec une corne blanche au milieu du front dont la crinière commençait déjà à friser à cause de la pluie, et parti à la poursuite de Garudiel.

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Les Larmes Noires du Dragon Tome 1 - Écuyère /// v2/// TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant