Chapitre 44 - Jardins et Impératrice, fin

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Des domestiques s'empressèrent de récupérer leurs manteaux pendant que d'autres leur proposaient des coupes de champagne avec d'habiles courbettes qui faisaient sauter leurs petites perruques poudrées. Un premier orchestre à corde accompagnait les convives dans le labyrinthe de salons et salles de réception qui menaient au Deuxième Grand Hall.

Alors qu'elles passaient devant l'Éminente Statue aux Trois Cygnes Partageant Un Quignon de Pain, un groupe de visiteurs s'enfuit en jetant des regards inquiets derrière eux. Sortant d'un couloir attenant, marchant d'une foulée impérieuse, Léon fit son apparition. Il tourna sa méchante petite tête dans leur direction et traîna sa loooooooongue queue sur le parquet ouvragé. Comment avait-il réussi à s'échapper de sa volière restait un mystère, mais on avait seulement retrouvé Willy roulé en boule dans un coin, des marques de gifles plumées marbrant ses joues.

Il ne s'était pas aventuré parmi la plèbe depuis la mort de l'Empereur, il faisait exception aujourd'hui. Cet évènement lui rappelait les fêtes de sa folle jeunesse, comme celle que donnait son bon ami Thévus. Il avait suivi les vociférations désordonnées et avait décidé de châtier lui-même les coupables... À combien de décibels s'évaluait leur crime de lèse-tranquillité ? À la vue des trois jeunes filles, qui hurlaient son nom « À travers Léon ! », l'oiseau fut parcouru de tremblements. Il ne s'attendait pas à croiser le chemin de telles créatures ! Il partit brusquement à la charge et galopa du plus vite qu'il le pouvait sur ses pattes grêles. Ses griffes cliquetèrent sur le sol.

– Oh non... souffla Alilia, terrifiée.

Elle avait vu trop de ses camarades de classe se faire piqueter lors d'excursion scolaire à la Grande Volière. Et ce soir, elles étaient ses cibles.

La Sous-Veilleuse des Sculptures, voyant se profiler un drame à l'horizon, se rua devant l'oiseau pour stopper sa course. Elle fut piétinée sans scrupule. Les deux Majordomes Généraux sortirent de leur cachette pour l'attraper mais se retrouvèrent zébrés de griffures en un rien de temps. Le Surveillant Supérieur des Parquets et Moquettes se précipita en criant devant les trois jeunes filles pour les protéger. Mais Léon, fin tacticien, se jeta au dernier moment sur son côté et lui pinça les mollets dans une attaque aussi vive que douloureuse : c'était son coup fétiche. Son adversaire s'écroula au sol en se tenant la jambe et en appelant sa maman. Le paon victorieux releva la tête en frissonnant de sa couronne, et s'avança vers elles d'un pas orgueilleux en piétinant le corps de son ennemi vaincu.

Impressionnées, les trois amies reculèrent.

Léon ouvrit alors grand ses ailes et bomba son poitrail cliquetant de médailles. Il battit des paupières, tourna sa figure rougissante sur le côté et, d'un mouvement expert, déploya sa traîne de plume en une superbe roue. Car oui, il avait décidé de sortir le grand jeu pour elle, cette beauté aux mille couleurs. Il l'avait entendu l'appeler, hurler son nom dans tout le Palais ! Son vieux cœur acariâtre n'avait pas ressenti cette émotion pour un être vivant depuis des années ! Il la salua d'une courbette, entonna un chant de sa plus belle voix et entreprit de parader autour de la jeune beauté pour la charmer de sa rosace de plume frémissante.

- Mais qu'est ce qu'il fait ? demanda simplement Thukty alors que le vieux paon lui tournait autour en bramant son affreuse complainte.

– Il t'aime bien on dirait, répondit Obscura. Il n'essaye pas de t'ouvrir la gorge, en tout cas.

– Tu as beaucoup de chance, parce qu'il est connu pour être très méchant, assura Alilia en restant à distance du bec pointu.

– Oh, c'est charmant ! Merci, monsieur le paon, fit Thukty en lui tapotant le dessus du crâne en se remémorant les cours de Compagnonnage.

Les Larmes Noires du Dragon Tome 1 - Écuyère /// v2/// TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant