CHAPITRE SOIXANTE-QUATORZE

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 Jour J.

Cameron est plus tendu qu'il ne l'a jamais été de toute sa vie. Il appréhende grandement cette rencontre avec la femme qui a changé sa vie. Je le vois à son visage crispé. Il n'est pas heureux d'être ici, devant la maison où elle vit, il n'arrive même pas à faire bonne figure. Mais il a tout de même le courage d'être venu jusque là. Je suis fier de lui. Il ne fait pas le fier, lui, mais il a le mérite de tenir le coup malgré l'angoisse qui tend ses muscles. Je sais que cela lui coûte énormément. Je suis soulagée qu'il ne se soit pas dégonflé.

Stationné devant la maison blanche et bleue où vit cette femme, Cameron et moi patientons dans un silence pesant.

Lorsque nous sommes arrivés dans la rue, un homme et deux enfants sont sortis de la maison et ont prit la route. La petite fille avait l'air de n'avoir pas plus de cinq et le garçon semblait plus grand. Ils sont partis. Cam et moi les avons vu. Nous en avons déduis que la mère devait être encore dans la maison. Elle doit être là, seule.

C'est le moment où jamais.

-La dernière fois que je suis venu ici, c'était avant la mort de mon père.

Je me tourne vers Cameron qui fixe la maison de ce quartier respectable de Portland.

-On l'avait raccompagné jusqu'à chez elle. Elle portait une robe bleue, je m'en souviens. Je crois que son mari était en voyage d'affaire ce jour-là.

-Ses enfants n'étaient pas encore nés, pas vrai ?

-Non. Elle venait tout juste de se marier, en fait. Elle ne devait pas avoir plus de vingt-trois ou vingt-quatre ans. Mon père était plus vieux qu'elle d'au moins dix ans.

J'ignore encore tout de cette histoire d'amour. Je ne connais rien des détails. Je sais seulement que le père de Cam aimait cette femme plus que tout. Quand elle l'a rejeté, il en ait devenu fou. Je ne sais rien d'elle. J'ignore même à quoi elle ressemble. Je vais bientôt le découvrir.

-Tu crois qu'elle va te reconnaître ?

-Je n'en sais rien. Probablement pas. J'avais six ans la dernière fois qu'elle m'a vu.

-Tu te sens prêt à y aller ?

Aussitôt, son corps réagit. Il serre férocement les os de sa mâchoire, contracte les muscles de son dos et prend une lourde inspiration par le nez. Il fixe toujours la maison qui nous intéresse. Une onde d'électricité le traverse. Il est terriblement nerveux à l'idée de sortir de cette voiture. Je peux le comprendre. Je suis là pour l'aider à franchir le pas.

-Tu n'es pas seul, Cam.

Enfin, il reporte son intérêt sur moi et plante son regard dans le mien.

-Je sais.

-Tu peux le faire. J'ai confiance en toi.

Il garde le silence durant un instant et se penche finalement vers moi pour m'embrasser. Je réponds à ce baiser emprunt d'une détresse exceptionnelle. Nos lèvres se séparent rapidement mais nos fronts se reposent l'un contre l'autre. Il respire le même air que moi, se nourrit de la force que je lui transmet puis s'éloigne finalement.

-Ne me laisse pas tomber, Carlson.

-Jamais, lui promets-je.

Après un regard entendu, Cameron et moi sortons de la voiture. Je me prépare déjà à être son soutien le plus infaillible alors qu'il tente malgré tout de ne pas flancher sous la pression. Ses épaules sont basses et son regard semble constamment ailleurs. Il fait de son mieux pour rester ici avec moi. Je sais qu'il se sent horriblement mal à l'aise. Il ne se sent pas à sa place. Je dois faire tout mon possible pour soulager au mieux son anxiété.

THE WAY - LE MENSONGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant