CHAPITRE QUATRE VINGT-CINQ

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-Ils vont se moquer de moi, pas vrai ? Ils vont me juger ? 

-Ils le font avec tout le monde, m'assure Cameron. 

     Tous deux assis dans la Ford Thunderbird face à cette maison lugubre et délabrée où son ancienne bande se réunit tous les week-ends, Cameron et moi ne nous regardons pas. Je fixe la rue sombre alors qu'il observe la bâtisse abîmée. 

     Nous nous préparons mentalement à entrer. Cam n'est pas serein et il y a de quoi. Il déteste me savoir ici. Je sais qu'il n'était pas vraiment d'accord avec mon plan. Seulement, je ne lui ai pas laissé le choix. Pour pouvoir lui pardonner son passé, je dois l'affronter. Je veux les voir, je veux le comprendre. J'ai besoin de rencontrer ces gens qui ont fait partie intégrante de sa vie il y a quelques années. Je veux savoir quel genre de personne sont ces amis vers qui il s'est tourné chaque fois qu'il se sentait mal. 

     Et, plus que tout, je dois la voir, elle. Maintenant que je suis au courant de ces messages qu'elle lui envoie depuis des mois, je ressens le besoin impérieux d'intervenir. Je ne peux pas rester sans rien faire. Cameron m'appartient à moi et moi seule. Je refuse qu'elle continue son petit jeu alors que je sais ce qu'elle cherche. Elle le veut sauf qu'il est déjà prit. Si Cameron n'a pas réussi à le lui faire comprendre, je suis prête à prendre ce rôle. Je saurais me montrer convaincante. Je suis décidée à mettre un terme à cette relation toxique qu'elle essaye désespérément d'entretenir avec mon petit-ami. Je ne suis plus aussi facile qu'avant. Désormais, je sais me faire entendre. Je n'hésiterai pas à être virulente s'il le faut. Je suis déterminée à marquer mon territoire. 

     -Oui mais, moi, je ne viens pas du même monde qu'eux. 

     Cameron ne répond rien, signe qu'il n'est pas en mesure de me contre-dire. 

     -Je me souviens de la façon dont ils m'avaient dévisagé le soir où j'étais venue te chercher ici. Ils me méprisaient tous. 

-Ils sont cons. Tu ne devrais même pas penser à ça. 

-Tu étais comme eux avant. 

     Il sait que j'ai raison et c'est pourquoi il ne redit rien. 

     -A l'époque où tu traînais encore avec eux, tu aurais sûrement fais la même chose qu'eux. Tu m'aurais regardé de haut. Tu te serais moquée de moi, de ma façon de m'habiller ou de me tenir. Avoue-le. 

-Ouais, probablement, abdique-t-il non sans mal. Mais je ne suis plus comme eux. J'ai changé, Em. Et puis, j'ai appris à te connaître. Je sais que tu n'es pas ce qu'ils s'imaginent tous. Ils pensent que tu es le cliché de la gentille fille sage qui se laisse faire et qui rentre dans les cases. Une fille sans histoire, sans caractère. Moi, je sais que c'est faux. 

     Je me tourne vers lui et il en fait de même. Nos regards se rencontrent. Je sais qu'il est sincère. Il ne me ment pas pour me rassurer ou me faire croire quelque chose qu'il ne pense pas. Cameron sait se montrer honnête quand il le faut. J'aime cette part de lui. J'aimerais qu'il s'en serve plus souvent, d'ailleurs. 

     -Je n'aime pas savoir qu'ils vont imaginer tout et n'importe quoi sur toi, dit-il. 

-Ils vont forcément le faire. 

-Je sais. C'est pour ça que je ne voulais pas venir. 

-Je ne te demande pas toute une soirée. Je veux seulement voir ce que tu étais avant moi. Je veux te comprendre une bonne fois pour toutes. Ils représentent tout ce que tu étais. J'ai besoin de le faire, Cam. 

-Ça ne me plaît pas. 

-J'ai besoin de la voir, elle aussi. J'ai un terrain à défendre. 

-Pas du tout, bébé. Tu n'as rien à défendre puisque je suis déjà à toi depuis longtemps. Je n'ai jamais été à personne d'autre qu'à toi, en fait. 

THE WAY - LE MENSONGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant