CHAPITRE QUARANTE-TROIS

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     Cameron a fait un cauchemar cette nuit. Je l'ai entendu s'agiter dans son sommeil. Il gémissait et bafouillait je ne sais quoi. Ses mots étaient intelligibles. Je n'ai pas compris ce qu'il disait mais je sais qu'il n'allait pas bien. Je l'ai senti à la tension qui émanait de son corps. Son cauchemar le torturait. Il le terrorisait. Il gigotait comme s'il voulait lui échapper. Je crois qu'il avait peur. 

     Malgré tout, je ne l'ai pas réveillé. Je ne sais pas pourquoi mais je n'en ai pas eu la force. Peut-être est-ce parce que je lui en voulais toujours pour son comportement de la veille. Je ne suis pourtant pas sadique. Je n'aime pas le voir souffrir. Quand il a mal, j'ai mal aussi. Seulement, je n'ai pas été à son secours comme je l'ai déjà fait auparavant lorsqu'il faisait un cauchemar. Je l'ai laissé seul avec ses démons. C'était si douloureux d'entendre sa souffrance. J'ai bien failli me mettre l'oreiller sur la tête pour camoufler ses gémissements. J'ai serré fort mes paupières tout comme mes poings pour ne pas flancher, ne pas m'effondrer. Je ne voulais pas pleurer mais je n'ai pas voulu l'aider non plus. J'ignore encore pourquoi. 

     Allongée dos à lui, j'ai fini par le sentir se réveiller. Son poids s'est affaissé sur le matelas quand il s'est redressé. Je l'ai entendu soupirer et pousser un juron. Il est resté aussi au bord du lit pendant de longues minutes semblables à une éternité. Je suppose que c'était le temps qu'il lui fallait pour retrouver ses esprits. Ensuite, il s'est levé et est parti de la chambre. Il n'est revenu qu'un quart d'heure plus tard. Il s'est de nouveau allongé près de moi. Ses doigts ont effleuré ma joue et replacé une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. J'ai fait semblant de dormir jusqu'à ce qu'il s'installer de son côté et se rendorme. 

     Maintenant que le jour s'est levé, je ne sais plus quoi penser de tout ça. Je repense à la soirée d'hier. J'en veux toujours à Cam pour ce qu'il a fait, c'est certain. Il a dépassé les limites. Il aurait pu tuer quelqu'un à cause de son manque de contrôle. Mais je n'ai pas envie de lui faire la tête pendant trop longtemps. Je veux seulement qu'il comprenne que ses actes peuvent avoir de lourdes conséquences sur nous. J'ai eu peur de lui et je sais qu'il s'en veut pour ça. Je veux que mes paroles de la veille fassent leur chemin dans sa tête et qu'il les comprenne. Si je me montre trop laxiste et que je lui pardonne tout dans le seconde, j'ai peur qu'il ne retienne pas la leçon. Il est donc préférable que je ne sois pas tendre tout de suite. Il lui faut un peu de temps pour prendre conscience des choses essentielles. 

     Décidé de quitter le lit, je jette d'abord un coup d'oeil dans sa direction. Il dort encore profondément. Sa pommette gauche a prit une teinte violacée, victime du seul coup qu'il a reçu. Je n'aime pas que la trace de cette soirée catastrophique soit sur son visage. Je me retiens d'effleurer sa peau du bout des doigts. Il doit être en train de rêver car ses yeux bougent sous la peau fine de ses paupières et ses longues cils noirs s'agitent légèrement comme s'il allait se réveiller d'une seconde à l'autre. 

     Avant qu'il ne le fasse, je m'extirpe des draps et me lève sans un bruit. Je me dirige vers la porte sur la pointe des pieds et sors de la chambre. Je laisse Cameron dormir et vais rejoindre Sam et Tim dans la cuisine. Les deux colocataires sont en train de déjeuner. Ils me saluent et me sourient chaleureusement alors que je m'assois avec eux. 

     -Cam n'est pas avec toi ? me lance Sam entre deux cuillerées de céréales. 

-Non, il dort encore. 

-Comment est-ce qu'il va ? rétorque Tim. 

-Bien, je crois. 

     Sam me propose de quoi manger. J'accepte une omelette de sa recette personnelle. J'en ai toujours raffolé. Il abandonne donc son propre petit-déjeuner pour aller préparer le mien. Je sais que ça ne le dérange pas. Je ne compte pas le nombre de fois où il l'a fait lorsque j'habitais ici. Nous avons nos petites habitudes depuis le temps. 

THE WAY - LE MENSONGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant