CHAPITRE VINGT-SIX

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CAMERON

     Debout au bord du trottoir, je suis paralysé par cette boule douloureuse qui me tord les tripes. Je reconnais aussitôt le sentiment qui l'accompagne. C'est l'angoisse et la peur à l'état pur. Je n'ai pas de mal à l'identifier car ce n'est pas la première fois que je ressens ça. J'ai l'impression d'avoir déjà fait ce rêve. Ou plutôt, ce cauchemar. Oui, je l'ai déjà fait. Des dizaines et des dizaines de fois. Je sais d'avance ce qu'il va se passer.

    Je commence à longer le trottoir, la peur au ventre et les muscles tendus. Il y a du monde autour de moi. J'ai beaucoup de mal à me frayer un chemin à travers la foule. Je sais au fond de moi qu'il faut à tout prix que j'accélère.

    Elle m'attend. Je dois la rejoindre au plus vite avant qu'il ne soit trop tard. Je ne peux pas assister à ça encore une fois. C'est au dessus de mes forces. Je pourrais presque en mourir. Cette vision d'elle est bien trop dur à encaisser. Je n'y arriverais pas.

    J'essaie de courir mais mes jambes sont horriblement lourdes. J'ai l'impression de marcher dans des sables mouvants. Mes pas sont ralentis par la lourdeur de mon corps. En plus de ça, tous les passants autour de moi marchent à contre-sens. Ils m'empêchent d'avancer plus vite.

    Je commence réellement à paniquer. Mon souffle se fait plus court. Mon coeur bat si vite qu'il me fait mal. Je crois que je pourrais vomir sur le trottoir. Sauf que je n'ai pas le temps de m'arrêter pour me calmer. Il faut que j'aille la sauver. Si je ne le fais pas, un drame va se produire. Je ne peux pas ne rien faire. Il faut que j'agisse avant de ne plus pouvoir le faire.

    Je presse tant bien que mal le pas. Je bouscule tout ceux qui croise mon chemin. Je n'ai pas le temps de faire dans la dentelle. Mon cerveau boue sous ma boîte crânienne et mon coeur bat fort dans mes oreilles. Je suis à deux doigts d'exploser et de détruire tout ce qui se trouve autour de moi. Je dois faire vite avant que mon coeur ne se brise une nouvelle fois. Je refuse d'abandonner. Je joue des coudes comme un vrai forcené pour atteindre ma cible.

    Au fur et à mesure que j'avance, le brouillard se fait dans mon atmosphère. Je ne vois plus que la route. Je la cherche désespérement du regard. Il faut absolument que je la trouve avant qu'il ne lui arrive quelque chose. Je ne me le pardonnerais pas cette fois-ci. J'ai déjà vécu ça et je ne veux pas que les choses se déroulent de la même façon. Je dois changer la fin de ce cauchemar pour le transformer en rêve.

    Alors que je me débats contre mon propre rêve, je la vois enfin.

    Elle se tient au beau milieu de la route. Elle attend que la voiture vienne la faucher. Le dos droit et les bras le long du corps, elle fixe un point devant elle. Les voitures l'évitent et la frôlent dangereusement. Elle ne bouge pas d'un centimètre. Son visage ne trahit aucune émotion. Elle est aussi vide qu'un cadavre sans vie. Elle attend simplement la voiture qui va la renverser.

    -Emery ! hurle-je à plein poumon.

    Elle ne m'entend pas. Son regard est perdu dans le vide. Elle ne tique même pas lorsque je l'appelle une nouvelle fois. Je crie tellement fort que ma voix se brise. Je ne m'arrête pas pour autant. Je hurle son prénom tout en m'enlisant de plus en plus dans le sol. Mes pieds ne me portent plus. Je m'affaisse peu à peu sur moi-même. Je suis trop lourd. Je n'arrive plus à avancer. Je m'acharne pourtant à me battre avec mes jambes pour qu'elles daignent coopérer.

    Soudain, un bruit de klaxon fend l'air.

    -Non ! Emery ! Pousse-toi !

THE WAY - LE MENSONGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant