CHAPITRE VINGT-DEUX

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Lorsque je quitte le salon de coiffure avec Cameron, j'ai une chevelure plus soyeuse que jamais et un tout nouveau fond d'écran. Je suis autant satisfaite par l'un que par l'autre. Mes cheveux sont flamboyants et toujours aussi blonds. Pas de mèches violettes ou rouges comme le craignait Cameron. J'ai également le bonheur d'avoir réussi après des mois de bataille à obtenir une photo de mon petit-ami. Mon coeur bat la chamade chaque fois que je regarde le fond d'écran de mon téléphone. Il me plaît.
-On va manger quelque part ? me demande Cameron alors que nous nous dirigeons vers la voiture.
-Oui, je meurs de faim.
-Oh, ça, je n'en doute pas, ricane-t-il.
Je glousse face à son air malicieusement fier.
-Pourquoi cette tête ?
-Ben, le sexe ça creuse.
Je rougis et me contente d'un petit coup d'épaule en guise de réponse.
-Ne t'en fais pas, je vais te nourrir, femme.
-Pourquoi est-ce que tout ce qui sort de ta bouche sonne comme quelque chose de sexuel ? m'esclaffe-je.
-Peut-être parce que tu as l'esprit mal placé. Je n'y suis pour rien, moi.
-Bien sûr. Tu es trop chaste pour ça, hein ?
-Évidemment, minaude-t-il. Tu devrais le savoir. Je suis aussi doux et innocent qu'un ange.
-Tu pousses le rêve trop loin là.
Nous nous chamaillons gentiment sur le trottoir lorsqu'une voix nasillarde nous interpelle. Cameron perd son sourire en même temps que moi. Son visage perd de sa couleur alors que son regard s'assombrit.
Non, pas elle.
-Tiens, tiens, tiens ! Regardez qui voilà.
-Eh, merde, grogne Cam entre ses dents.
Nous nous tournons tous les deux vers la cause de ce malaise soudain.
Summer.
La grande blonde a fière allure avec sa jupe rouge, ses cuirasses incroyablement hautes et son pull qui ne cache pas grand-chose de son anatomie. Elle sourit fièrement de ses lèvres peintes en rouge et ses yeux brillent d'espièglerie derrière l'épaisse couche de far-à-paupières violet. Les mains sur les hanches, elle nous regarde de haut. Son menton est dressé en l'air et son visage ne dissimule rien de la jubilation qu'elle ressent à nous trouver là.
-Mes deux tourtereaux préférés, déclare-t-elle sans une once de sincérité.
Le corps de Cameron se tend à côté de moi alors que je redresse les épaules. Je n'avais pas revu Summer depuis des mois et pourtant je me sens prête à retourner sur le champ de bataille.
Notre relation a toujours été tendue. Summer ne m'a jamais apprécié et je ne peux pas dire que je l'ai un jour aimé. Ce serait faux. Elle m'a mené la vie impossible durant toute la période où nous avons cohabité dans la même chambre. Je l'ai vu en horreur dès le premier jour. Nous n'avions rien en commun jusqu'à ce que je commence à fréquenter Cameron. Lorsqu'elle l'a apprit, Summer a littéralement pété les plombs. Elle couchait avec lui avant qu'il ne me rencontre et elle était persuadée que je le lui avais volé. Je suis certaine qu'elle le pense toujours, d'ailleurs. Elle était tellement furax que j'ai préféré quitter la résidence pour aller habituer quelques temps chez Cam. Cela ne l'a pas empêché de bousiller une bonne partie de ma penderie.
Aujourd'hui, j'aurais préféré ne jamais recroiser son chemin. Je la haïs et elle me le rend bien.
-Salut, Summer.
-Salut, coloc. Enfin, ancienne coloc.
Elle me gratifie d'un sourire forcé avant de reporter son attention sur le grand tatoué à côté de moi.
-Salut, Cam.
-'lut.
-Je suis contente de te voir, minaude-t-elle en se dandinant comme une garce. Ça fait longtemps.
-Pas assez à mon goût si tu veux savoir.
Mon petit-ami me fait le plaisir de retrouver son caractère de cochon légendaire. Cameron sait se montrer intransigeant quand il est face à quelqu'un qu'il ne porte pas dans son coeur. Il n'est pas du genre à se forcer devant les gens qu'il n'apprécie pas. Il ne fait pas semblant. Certains le trouvent d'ailleurs trop froid pour cette raison. Il ne joue pas avec les apparences. Il reste lui-même que ça plaise ou non.
-Waouh, s'esclaffe Summer d'un ton amer. Toujours aussi chaleureux à ce que je vois.
-Tu n'as encore rien vu.
Sa riposte ne fait que la rendre plus agressive.
-Sacré coïncidence de vous croisez là. Qu'est-ce que vous faites dans le coin ?
-On allait partir, rétorque Cam visiblement désireux d'en finir au plus vite.
J'ai tout autant envie que lui de m'en aller mais je ne compte pas non plus m'écraser devant elle. Je ne suis plus la gentille petite Em de l'année dernière. Je ne veux plus jamais être cette fille-là, d'ailleurs. Summer avait le dessus sur moi à cette époque. Je refuse de lui donner satisfaction. J'ai grandi et je compte bien le lui faire savoir.
-On était chez le coiffeur.
-Oh, dit-elle en faisant la moue. Et toi, tu l'as accompagné comme le gentil petit-ami parfait que tu es.
-Va te faire foutre, peste Cam.
-Dire que je croyais qu'elle t'avais largué depuis déjà longtemps. Enfin, je veux dire, après l'histoire avec James, je pensais qu'elle te jetterait. Il faut croire que tu es encore plus naïve que je ne le pensais, Emery.
-Ferme ta gueule, Summer.
-Quoi ? se marre-t-elle avec son rire de vipère. C'est vrai ! Après tous les mensonges qu'il t'a fait gobé, tu dois être vraiment idiote pour rester avec lui.
-Ça, c'est mon problème, dis-je.
-Il t'a peut-être caché tout un tas d'autres trucs, tu ne crois pas ?
-J'ai confiance en lui, mens-je malgré moi.
Je n'exposerais pas nos faiblesses devant elle. Plutôt mourir !
-A ta place, j'y penserais jour et nuit.
-Sauf que tu n'es pas à ma place, souris-je effrontément.
Ma répartie semble l'amuser et l'agacer en même temps. Je lui offre la possibilité d'affronter un adversaire à sa taille. La tentation est sans doute trop forte pour elle. Elle ne peut pas se permettre de se défiler. Je lui tiens tête fièrement et elle ne pourrait pas en espérer mieux de ma part. Je pourrais presque l'entendre aiguiser ses griffes avant de passer à l'attaque.
- Tu ne te dis jamais qu'il t'a peut-être sûrement déjà trompé?
Elle me pique au vif. Elle sait où appuyer pour me faire mal.
- Non, jamais, réponds-je en restant de marbre.
- Tu devrais peut-être y penser. Enfin, tu connais Cameron autant que moi. Il est incapable de tenir en place.
- Non, Summer. Je le connais mieux que toi. Je sais qu'il ne me ferait jamais ça.
- Tu es bien sure de toi.
- Oui, je le suis.
À côté de moi, Cameron me laisse me battre seule. Il sait que je n'ai pas besoin de lui pour affronter la bête féroce qu'est Summer. Je dois me débrouiller toute seule ou je perdrais toute crédibilité. Pourtant, ça ne l'empêche pas de grincer des dents chaque fois que la blonde au regard d'acier ouvre la bouche.
- C'est de te prendre une voiture qui t'a retourné le cerveau?
Ma main se resserre sur ma béquille au point où mes phalanges blanchissent dangereusement.
- Je te remercie de te soucier de moi mais mon cerveau va très bien, rétorque-je. Je vais très bien, en fait.
- Mais tu as besoin d'une béquille.
Son attaque ne me touche nullement. Je sais que cette histoire de béquille ne sera bientôt plus d'actualité car j'arrive au bout de mes séances de kiné. Je pourrais bientôt la jeter et me débrouiller toute seule. A l'heure d'aujourd'hui, c'est seulement un accessoire plus qu'autre chose.
Summer se tourne alors vers Cameron en souriant toujours de plus bel.
- Je ne savais que c'était ton truc les handicapés, ricane-t-elle en ne faisant rire qu'elle. Si j'avais su, je me serais arrangée pour me briser les deux jambes, moi aussi.
- Tu aurais pu te casser tout ce que tu veux que je ne t'aurais pas touché.
- Parce que tu comptes finir ta vie avec la boiteuse de service?
- C'est toujours mieux que de finir avec toi.
Cette fois-ci, Summer fronce les sourcils et nous darde d'un regard meurtrier. Cameron a touché la ou ça fait mal. Il la connaît mieux que moi. Il sait comment la gérer lorsqu'elle est d'humeur massacrante.
- J'ai tellement hâte d'apprendre que l'un de vous a largué l'autre.
- Tu peux toujours attendre longtemps, peste Cameron en ricanant d'un air froidement mauvais.
Summer perd de plus en plus de son aplomb. Il est son point faible. C'est lui l'adversaire qui est à sa taille. Pas moi. Je ne fais pas le poids contre les réparties glaciales de Cameron. Il est un maître en la matière. Personne ne peut l'égaler. Les remarques acerbes font partie intégrante de son vocabulaire quotidien.
La grande blonde ne se démonte pas pour autant puisqu'elle fait quelques pas dans notre direction pour se planter devant nous. Elle fixe le tatoué à ma droite en serrant les muscles de sa mâchoire.
- Tu sais quoi, Cam? J'espère que ce sera elle qui te jettera comme une merde. Ce serait totalement jouissif.
- Ça ne voudrait pas dire que je reviendrais vers toi pour autant. Tu peux toujours courir, Summer. 
Elle se renfrogne un peu plus et pointe son regard glacial sur moi. Je me prépare à subir son attaque. Je sais qu'elle peut être redoutable lorsqu'elle est blessée. Elle se défendra comme une lionne pour tenter de nous achever. Elle essayera par tous les moyens.
- Il va te détruire, dit-elle. J'espère que tu le sais.
Je reste de marbre même si ses mots me touchent plus que je ne le voudrais. Je sens qu'il en est de même pour Cameron si j'en crois le malaise qui tombe entre nous. J'aimerais pouvoir lui dire qu'elle a tord mais nous savons tous que Cam est capable du pire. Il pourrait me détruire, c'est vrai. Seulement, je veux croire en lui. Je ne lui ai pas donnée cette dernière chance pour rien. Je veux me laisser espérer à un happy-end. Nous y avons le droit comme tout le monde.
Sans quitter Summer des yeux, je glisse ma main dans celle de Cam et m'adresse à lui.
- Allez, viens. On en a assez entendu.
Cameron se laisse faire tandis que je le traine loin de Summer. Celle-ci ricane derrière nous mais je me fais violence pour ne pas me retourner et lui sauter à la gorge. Son numéro a assez duré. Je ne la laisserais pas nous anéantir alors que nous passions un si bon moment avant qu'elle ne débarque. Je sais que je peux encore sauver cette journée et je compte bien le faire. Cameron ne doit pas se laisser abattre par cette stupide rencontre sans queue ni tête.
Nous rejoignons finalement la Ford et montons à bord. Cameron est bien silencieux et ça ne me plait pas. Je prend sur moi pour ne pas le secouer. Je ne pense pas que ce soit ce dont il a besoin. Au contraire, je devrais plutôt le rassurer et lui montrer qu'il ne doit pas réfléchir à un seul mot sorti de la bouche de Summer. Nous en avons fini avec elle.
J'attrape donc son menton entre mes doigts et le force doucement à me regarder. Lorsqu'il me fait face, je vois le remord pointer dans ses yeux.
-Hey, souris-je. Tout est O-K, d'accord?
Il baisse les yeux. Je me penche vers lui et dépose un rapide baiser sur ses lèvres pour ne pas qu'il m'échappe.
- Ne la laisse pas gâcher notre journée. Elle ne sait pas de quoi elle parle. Tout ce qu'il se passe entre toi et moi ne regarde que nous. C'est seulement une fouine qui ne peut pas s'empêcher de se mêler des histoires des autres.
- Ouais, je sais, marmonne-t-il.
- Oublie-la. Si j'en suis capable, tu peux le faire aussi.
- Si tu savais comme je regrette d'avoir couché avec elle. Elle est complètement tarée.
- Ça, je ne te le fais pas dire, ricane-je.
Les traits de son visage s'apaisent heureusement.
- Tu t'es battue comme une lionne.
- J'ai un territoire à défendre.
- C'est moi le territoire? s'esclaffe-t-il en plissant les yeux.
-Et un très joli territoire.
Il se détend de nouveau et ça me rassure. Je veux retrouver le Cam qui n'a cessé de me faire sourire depuis quelques heures. Je refuse que cet incident lance un froid entre nous. Summer ne gagnera pas. Je m'en fais la promesse.
- En plus, j'ai super faim. Je croyais que tu devais me nourrir, homme.
Il explose de rire et se penche vers moi pour me voler un baiser.
- C'est donc ça, dit-il.
- Le sexe, ça donne une faim de loup.
Il pousse un soupir et démarre la voiture en souriant comme jamais. Il a retrouvé sa bonne humeur et je veux en profiter. Ce n'est pas tous les jours qu'il est aussi enjoué. Je ne l'ai pas vu sourire autant depuis bien longtemps.
- Tu es incroyable, Em.

THE WAY - LE MENSONGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant