Chapitre n°2

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La chaleur étouffante de la pièce tira Léa de son sommeil comateux. Elle frissonnait et remonta une couverture pour essayer de se réchauffer. Elle se rendormit un instant et se réveilla en sursaut saisie par une angoisse sourde. Sa bouche était pâteuse et ses paupières collées. Elle ouvrit un œil. Une lumière grisâtre emplissait la chambre. Quelle heure était-il ? Se demanda-t-elle. Un terrible mal de tête l'empêcha de trouver la réponse. Elle fit un effort pour se lever. Ses muscles ne répondaient pas. Elle avait du mal à tenir débout et se rassit sur le bord de son lit. Une forte fièvre embrumait son esprit. Elle se releva, sortit de la chambre en traînant des pieds et descendit avec difficulté l'escalier qui menait au rez-de-chaussée. La maison était silencieuse, elle qui bruissait habituellement des éclats de voix des enfants. La pendule sonna 11 heures. Léa entra dans la cuisine. Rebecca était couchée sur la table, la tête enlacée dans ses bras. Elle semblait se reposer. Léa s'approcha d'elle.
- Ca va Rebecca ? Demanda-t-elle d'une voix atone.
Rebecca ne répondit pas. Léa la prit par l'épaule.
- Rébecca, réveille-toi !
Léa surprise la tira de son siège. Le corps sans vie de Rebecca glissa de la chaise et tomba sur le sol. Léa ne put réprimer un cri d'effroi. Rebecca avait les yeux révulsés. Son visage tuméfié était couvert de sang coagulé. Léa resta paralysée un instant. Elle ne pouvait pas détacher son regard du visage meurtri de douleur de sa tante. Son cœur se mit à frapper sa poitrine et sa respiration s'emballa. Elle sortit de la pièce à reculons en bousculant tout sur son passage. Tout tournait autour d'elle. Léa se tenait aux murs et avait la sensation d'avancer au ralenti.
- A l'aide ! Gidéon, à l'aide ! Appela Léa d'une voix qui faisait écho dans sa tête.
Elle sortit dans la cour et se heurta à un mur de chaleur. Le temps était orageux. Des nuages s'amoncelaient à l'horizon. Elle avançait en titubant et tomba à plusieurs reprises avant d'entrer dans la grange.
- Gidéon ! Gidéon ! S'époumonait Léa.
Les vaches ruminaient, les cris de Léa leur firent lever la tête et pousser quelques beuglements. Léa ne les entendit pas. Elle fit le tour du bâtiment. Elle regarda au loin pour voir si son oncle n'était pas dans son champ. Il n'y avait personne. L'effort l'avait fatigué. Elle avait envie de s'allonger et de dormir. Elle eut un haut le cœur et vomit. Les convulsions la sortirent de sa torpeur. Elle décida de rentrer à la ferme et monta à l'étage. Chaque mouvement était une souffrance pour ses muscles courbaturés. La chambre des 4 garçons était plongée dans le noir. Léa tira les rideaux. Elle s'approcha du lit de Mark qui venait de fêter ses 6 ans.
-Mark, par pitié, réveille-toi ! Supplia Léa.
Mark semblait profondément endormi. Son visage avait doublé de volume et du sang s'écoulait à la commissure de ses lèvres. Le choc du visage déformé et ensanglanté assomma Léa qui s'évanouit. La dernière chose qu'elle vit dans sa chute fut les 4 petits chapeaux de paille accrochés au porte-manteau. Quand elle se réveilla, la fièvre était un peu tombée. Une peur panique s'empara d'elle. L'idée de la mort lui traversa l'esprit. L'émotion fut si vive qu'elle déclencha en elle une poussée d'adrénaline. Elle se releva et secoua Mark en l'intimant de se réveiller. Elle fit la même chose pour Samuel, David et Abraham. Aucun d'eux ne réagit. Ils avaient tous été emportés dans leur sommeil par la maladie. Léa pensa subitement à Rachel. Elle courut vers sa chambre. Rachel était allongée sur le sol. Sa chemise de nuit blanche était maculée de sang. Son visage était déformé par la douleur. Léa poussa un long cri d'horreur. Elle s'agenouilla à côté du corps, le tira vers elle et le serra dans ses bras. Ses larmes se mêlèrent au sang de Rachel. Longuement, Léa caressa les longs cheveux blonds de sa cousine en lui chantant des comptines Amish. Elles avaient encore 10 ans et elles jouaient à cache-cache. Rachel la recouvrait de paille pour la cacher et rester introuvables. Quand enfin elles étaient découvertes, elles riaient à gorges déployées. Le souvenir du rire de Rachel l'apaisa. Une violente quinte de toux la sortit de sa rêverie. Léa cracha du sang. Elle reposa le corps inerte et sortit de la maison. Le soleil était bas sur l'horizon et l'orage grondait. Elle marcha comme un automate vers la ferme des Homer. Elle poussa la porte. La maison était silencieuse.
- Jacob ! Sarah ! Hannah ! Ruth ! Cria Léa sans grande conviction. Elle s'immobilisa. Tout son corps était tendu dans l'espoir d'une réponse. Elle s'avança vers l'escalier qui menait aux chambres. Elle s'arrêta à la première marche. Le silence était sa réponse. Elle revit furtivement les visages de sa tante, de ses cousins et de Rachel. Les Homer étaient sans doute morts aussi. Une nouvelle vague de peur la submergea. Léa sortit de la pièce à reculons en tremblant. Elle passa devant la ferme des Sargent et ne s'arrêta pas. S'il n'y avait pas de lumière, c'est qu'ils étaient tous morts. Pensa-t-elle. Elle continua à marcher droit devant en se répétant.
-« Morts ! Ils sont tous morts ! »

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