Chapitre 12

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Léa n'avait pas échangé un mot au cours du long trajet entre Lancaster et Irvine. Le stress la tétanisait. Les idées se bousculaient dans sa tête et l'empêchaient d'avoir une pensée cohérente. Elle avait soif et elle était mal à l'aise dans cette combinaison qui l'étouffait. En descendant de l'avion, elle aurait voulu retirer son masque pour respirer de l'air frais. Elle avait envie de partir, de courir, de s'enfuir. Le docteur Joseph ne lui en donna pas le temps, il la poussa dans une voiture qui attendait sur le tarmac. Ils arrivèrent au centre des maladies infectieuses par les parkings. Ils prirent un ascenseur, traversèrent des couloirs déserts, franchirent plusieurs portes sécurisées pour arriver dans un laboratoire équipé d'ordinateurs, de becs bunsen, de colonnes de distillation et de matériel que Léa ne put identifier. Le laboratoire était concomitant à une chambre stérile. La baie vitrée était équipée de hublots avec des manchons permettant d'examiner un patient sans entrer en contact directement avec lui ou de passer des objets. Le docteur Joseph ouvrit la porte sécurisée d'un sas de désinfection qui conduisait à la chambre stérile.
- Entrez ici ! Demanda Meade.
Léa obéit. La première porte se ferma, une lumière s'alluma. Quelques instants après, la deuxième porte s'ouvrit. Léa était dans la chambre stérile. De l'autre côté de la vitre, elle découvrit les visages des docteurs Joseph et Meade qui avaient retiré leurs masques. Le docteur Meade s'approcha d'un micro.
- Léa, nous vous devons une explication. Nous vous avons conduit dans cette chambre stérile car vous êtes gravement malade.
Léa reçut l'information comme un coup de poing dans la poitrine.
-Vos analyses ont révélé un phénomène inhabituel. Le virus qui a tué tant de personnes au cours de ces derniers jours est toujours en vous. Sans que nous ne sachions encore pourquoi, au lieu de s'attaquer à votre organisme, il s'en sert pour produire une grande quantité de virus.
- Mais pourtant, je ne me sens plus malade. Dit Léa d'une voix étranglée.
- Léa, vous avez l'impression de ne plus être malade parce vous êtes devenue le virus.
- Léa avait retiré son casque pour trouver de l'air. Elle cria dans le micro.
- Mais comment pouvez-vous en être sûr ?
Le docteur Meade ouvrit un compartiment de la baie vitrée et glissa une boîte dans laquelle se trouvait un rat. Le premier sas se ferma et le deuxième s'ouvrit.
-Théoriquement, nous en sommes pratiquement sûrs. Cette expérience devrait nous le confirmer. Reprit le docteur Meade.
- Prenez cette boîte et soufflez dans l'embout.
Léa fit glisser un petit clapet et souffla dans un tube relié à la boîte.
- Si nos résultats sont exacts, ce rat devrait être mort dans moins de 2h.
Meade retira la boîte. Le docteur Joseph la tapota pour faire réagir le rat. Il reprit le micro.
- Léa, nos meilleurs experts travaillent sur votre cas. Nous trouverons une solution. Mais vous comprendrez que pour notre sécurité, nous devons vous garder à l'isolement.
- Je veux voir mes parents ! Supplia Léa
Le docteur Meade regarda brièvement Joseph.
- Depuis minuit, tous les déplacements sont interdits. Votre famille n'a pas le téléphone, ni d'adresse e-mail pour que nous puissions les joindre. Il faudra patienter. Avez-vous besoin d'autre chose ?
Léa se sentait impuissante.
- J'ai soif. Dit-elle simplement.
- Je m'en occupe. Répondit le docteur Meade.

Léa observait les allées et venues du rat. Elle n'avait pas touché au plateau repas que lui avait laissé le docteur Meade avant de partir, malgré la faim qui la tiraillait. Le rat tournait en rond, s'arrêtait, repartait. A chaque fois qu'il s'immobilisait, Léa serrait les poings, bloquait sa respiration et priait pour qu'il bouge à nouveau. Le rat jouait avec ses nerfs. Il continua encore un peu sa ronde, s'arrêta une dernière fois, eut un soubresaut avant de tomber sur le côté. Léa se colla à la vitre et fixa le rat immobile en espérant qu'il se relève. Elle respirait à peine, tous ses muscles étaient tendus à la limite de la rupture. D'une voix à peine audible, elle murmurait qu'elle refusait cette nouvelle mort, cette mort de trop. Elle voulait qu'il se réveille. Elle commença à taper sur le plexiglas de la vitre, d'abord lentement puis de plus en plus vite et de plus en plus fort. Ses mains furent rapidement couvertes d'hématomes. Léa ne ressentait pas la douleur, elle tapa encore et encore avec la rage du désespoir. Elle comprit que le plexiglas ne céderait pas et que le rat était mort à cause d'elle. Elle comprit aussi qu'elle portait la mort en elle. « Cette maladie doit disparaître » songea-t-elle et tout en se le répétant, elle cogna sa tête sur le plexiglas. Les tensions de ces derniers jours avaient été trop fortes. Ses nerfs lâchaient. L'envie d'en finir s'imposa à elle. Elle cogna sa tête encore et encore. Les coups qu'elle portait étaient si violents qu'elle s'ouvrit les arcades sourcilières. Le sang coulait sur son visage. Elle perdit l'équilibre, se releva avec difficulté, bouscula la table, renversa une chaise et retomba. Le sang l'aveuglait. Elle hurlait sa douleur, sa rage, son désespoir. Elle arracha ses vêtements, se griffa le visage, se frappa la poitrine et le ventre. Le mal qui la rongeait devait disparaître Elle devait tuer ce mal, comme il avait tué ce rat. Elle se battit encore longtemps contre elle-même en roulant d'un côté de la chambre à l'autre, jusqu'à ce que l'émotion, la fatigue, la douleur, finissent par l'achever. Elle finit par perdre connaissance.

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