chapitre 42

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Williams faisait les 100 pas sur la plage, son portable collé à l’oreille. Il n’entendait qu’un mot sur deux de sa conversation téléphonique. Il se retourna pour éviter qu’une nouvelle bourrasque lui cingle le visage.

- Les analyses ADN confir… que les vet… sont ceux de Lé…Greenberg.

- Ok merci.

Il releva son pardessus et observa l’océan un instant. Au loin, les bateaux des gardes-côtes continuaient à draguer les fonds malgré la houle qui se renforçait. Toujours aucune trace du corps de Léa Greenberg. Avec le temps qui se détériorait, les recherches allaient devenir de plus en plus difficiles. Williams avait maintenant la certitude que Léa s’était noyée et que les courants marins avaient emporté son corps au large. Plusieurs jours seraient sans doute nécessaires pour le repêcher. Williams se dirigea vers la petite maison de la plage ou il avait donné rendez-vous aux familles des victimes.

Des borborygmes de conversations grésillaient dans la tête de Léa. Un flot indistinct de mots la berçait. Elle n’en comprenait pas le sens : affaires personnelles, amis du lycée, fête, meurtre, Léa Greenberg. En entendant son nom, un déclic se produisit. On parlait d’elle. Dans son esprit brumeux, les mots retrouvaient leur sens. Léa Greenberg, Virus X, danger mortel… Elle était le danger. Elle était en danger. Il fallait qu’elle ouvre les yeux pour éviter de replonger dans le sommeil. Le mot danger raisonnait dans sa tête. Ses paupières collées ne s’ouvraient pas. Son bras engourdis refusait de remonter jusqu’à son visage. Elle entendait le craquement des marches de l’escalier. Les échanges s’éclaircissaient. « Pouvons-nous récupérer leurs affaires personnelles ? » Affalée sur les cartons, Léa chercha à se relever. Le danger se rapprochait. Elle attrapa le portant du cintre et concentra toute son énergie pour se soulever. Sa paupière claqua et son œil droit s’ouvrit. La lumière l’éblouit. Elle n’avait plus le temps de remonter les cartons et de retrouver sa cachette. Elle s’accroupit, sortit en rampant du placard et se glissa sous le lit.

- Je ne vois pas les affaires de mon fils ! Lança une voix de femme.

- Sans doute dans le placard. Répondit une voix d’homme.

Léa ne voyait que des chaussures qui se déplaçaient d’un bout à l’autre de la pièce.

- Non, elles n’y sont pas ! Reprit la voix de la femme

- Peut-être sous le lit.

Le cœur de Léa s’emballa à nouveau. Le choc finit de la réveiller complètement.A coté d’elle se trouvait un sac de voyage qui devait appartenir à l’un des garçons. Elle vit une main tâtonner au-dessus d’elle. Léa se recroquevilla pour l’éviter. La main n’était plus qu’à quelques centimètres d’elle.

- Voulez-vous que je vous aide ? Demanda la voix masculine.

- Ce n’est pas de refus ! Dit la femme.

La paire de chaussures fit le tour du lit. Léa tourna la tête. Les genoux de l’homme apparurent. S’il lançait son bras à son tour, elle ne pourrait rien faire pour l’éviter.

Léa attrapa le sac d’un coup et le positionna juste devant la main de la femme.

- C’est bon, je l’ai ! Merci.

Elle vit les genoux se redresser et les chaussures quitter la chambre. Léa resta aux aguets à observer les allers-retours de gens qu’elle entendait mais qu’elle ne pouvait pas voir. Le temps passa. Les claquements de portes, le grésillement des appels radio et les conversations s’estompèrent peu à peu. Le silence reprit possession des lieux. Léa somnolait à moitié. Elle n’avait ni bu ni mangé depuis plus de 24 heures. Elle ne pouvait plus rester là. La maison semblait s’être vidée. Elle rampa pour s’extraire de sa cachette, se redressa avec difficulté et s’approcha de la porte. La chambre était plongée dans le noir. La nuit était tombée. Elle retira ses chaussures et s’avança à pas de loup dans le couloir. Du haut de l’escalier, elle pouvait voir la rue. Une voiture de police y était stationnée. Léa se baissa pour ne pas se faire repérer. Elle descendit les escaliers et se dirigea vers la cuisine. Elle ouvrit le frigo et attrapa une bouteille de lait qu’elle prit avec elle. Elle remonta en faisant bien attention d’éviter les fenêtres et passa par la salle de bain. La pièce était faiblement éclairée par les lumières des étoiles. Elle eut un choc quand elle vit son visage fantomatique dans le miroir. Il ne restait rien du visage rayonnant de la jeune fille de Lime Valley. Elle ne s’attarda pas, retourna dans la chambre et s’allongea sur le lit. Elle était prisonnière d’une maison qui la protégeait de la menace extérieure. Combien de temps pouvait-elle rester comme ça ? Elle n’en n’avait pas la moindre idée. Que devait-elle faire ? Elle ne le savait pas non plus. Les questions sans réponse continuaient à se bousculer dans sa tête. La tristesse et l’amertume la consumaient de l’intérieur et brûlaient ses derniers espoirs. Vivre dans la solitude était son unique horizon. Elle s’endormit sur cette pensée.

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