Léa longeait une voie de chemin de fer. Elle cherchait à assurer ses pas en marchant sur les traverses. Ni les bourrasques de vent, ni la pluie battante n’entamaient sa détermination. Ses vêtements trempés qui lui collaient à la peau ralentissant ses pas et l’eau qui ruisselait sur son visage brouillait sa vue. Elle était tombée à plusieurs reprises, s’était relevée et s’était remise en marche sans se poser de questions. Elle n’avait pas de temps à perdre. Il fallait qu’elle quitte ce pays. La frontière était à une centaine de kilomètres. En marchant régulièrement, elle estimait qu’elle pouvait l’atteindre en 3 jours. Après, elle commencerait une nouvelle vie. Elle s’interdisait d’y penser pour le moment. Il était trop tôt et trop de dangers la menaçaient encore. Les recherches pour la retrouver continuaient. Les hélicoptères qui survolaient la région, l’obligeant à se cacher précipitamment, en étaient la meilleure preuve. Elle était sur le qui-vive. Tous ses sens étaient en alerte. Malgré le froid et la fatigue, jamais elle ne s’était sentie aussi en vie, jamais elle avait eu autant envie de vivre. Ses angoisses et ses souffrances avaient disparu. Elles avaient été aspirées dans le grand syphon de l’oubli. Une transformation s’opérait en elle et le virus n’était pas étranger à ce changement. Elle le savait et savait surtout qu’elle ne pouvait rien n’y faire. Ce virus s’était fixé en elle et l’utilisait. Elle ne savait ni comment ni pourquoi et ne le saurait sans doute jamais. La seule chose dont elle était sûre maintenant, c’est qu’elle n’était pas responsable de cette situation. Elle ne pouvait pas s’en vouloir. Elle ne devait pas s’en vouloir. La pluie tombait de plus en plus drue. Au loin, se dessinait l’entrée d’un tunnel, Léa se mit à courir pour être à l’abri. Elle s’arrêta un moment et grignota quelques biscuits qui avaient pris l’eau. Elle les recracha. Elle ressortit pour jeter un coup d’œil aux alentours. Le tunnel était encadré par 2 collines. Elle n’avait pas d’autre choix que de le traverser à moins de faire un long détour. Elle s’engagea dans le trou noir. Sa nouvelle vie ressemblait à ce tunnel. Elle avançait à l’aveugle sans savoir où elle allait. Un jour peut-être, elle retrouverait aussi la lumière. Elle ne tarda pas à la retrouver. Un train lancé à pleine vitesse arrivait dans le tunnel dans un terrible fracas. Léa fut prise dans la lumière de son phare comme un papillon attiré par la lumière. Elle resta, un instant, paralysée de stupeur. La puissance du klaxon du train qui explosa dans le tunnel la fit réagir. Elle bascula sur le côté et se colla à la paroi pour ne pas se faire happer. Le grondement s’atténua et l’obscurité remplit à nouveau l’espace. Léa tremblait de peur. Elle se ressaisit. Dans sa nouvelle vie, elle allait devoir avancer à l’aveugle dans un monde où le danger serait partout. Cette expérience devait lui servir de leçon. Elle devait être plus vigilante, plus attentive, plus prudente. Elle reprit sa marche et sortit du tunnel. La pluie s’était arrêtée. L’aube pointait à l’horizon. Il fallait qu’elle trouve rapidement un endroit pour se cacher. Elle accéléra le pas. Il faisait déjà jour quand elle arriva à Oceanside. Léa descendit le remblai de la voie ferrée pour reprendre une petite route. Un panneau indiquait la direction de l’Eglise Sainte Marie. « Une église, c’est l’endroit idéal pour passer la journée » pensa Léa. Elle abaissa sa casquette sur son front et reprit sa marche.
