Je laissai mon pinceau caresser le papier, traçant des lignes sans vraiment y penser. J'étais en train de réfléchir. La forme d'un visage se dessina sur le parchemin pendant que j'essayais de déterminer la manière dont je devais réagir. Des lèvres fines prirent place sur le bas de la tête en trois courbes gracieuses, suivies d'un joli petit nez. En général, dessiner m'aidait à me concentrer. Les yeux prirent forme sous mon pinceau. Ils étaient ronds et clairs.
Exaspéré, je posai le pinceau et chiffonnai le papier avant de le lancer plus loin. Sans y penser, j'avais encore dessiné l'étrangère. Il fallait dire qu'on m'avait apporté ce matin même une cinquième invitation de sa part. C'était ce qu'on pouvait appeler de la persévérance, voire de l'obstination.
« Ou alors, elle a une raison légitime de te rencontrer. » ricana la Piri.
« Je n'ai aucun doute sur le fait qu'elle ait une très bonne raison de vouloir me voir. » lui répondis je en pensées. « C'est la pureté de ses intentions qui me pose question. Elle est affiliée au premier ministre Choi et je sais à quel point il peut être sournois. Je ne veux pas me retrouver piégé malgré moi dans une de ses machinations. »
« Tu es bavard quand tu es désespéré. » se moqua la Piri. « Je crois que j'aime quand tu l'es. »
Je grognai sans lui répondre, par esprit de contradiction, sans doute. Et puis, elle avait raison. La plupart du temps, je limitais nos conversations au strict minimum. Pas besoin de débattre avec elle puisqu'elle connaissait toutes mes pensées au moment où je les formulais dans ma tête. Quoi qu'il en soit, elle restait un esprit dangereux et il ne valait mieux pas que je sympathise trop avec elle, même si je la connaissais depuis des années.
« Je m'ennuierais moins si tu faisais attention à moi » se plaignit la Piri. « Je n'aurais pas besoin de me trouver d'autres sources d'amusement... »
« D'autres sources ? » m'inquiétai je immédiatement.
« Oh... ça t'intéresse ? » railla-t-elle.
« Qu'est-ce que tu as fait ? » m'affolai je un peu.
« Peut être que je te l'aurais dit si tu avais sympathisé avec moi mais... Je crois que je n'ai envie de partager mon amusement qu'avec de véritables amis. » minauda-t-elle.
La menteuse. Elle s'amusait juste à me faire culpabiliser de ne pas avoir fait la bonne chose mais... Même si je lui avais parlé plus souvent, elle ne me l'aurait pas dit. J'en étais sûr.
« Ah ah. Qui sait ? » rit elle. « Nous ne le saurons jamais puisque tu ne m'as jamais accordé ta sympathie. »
Mais si je l'avais fait, elle aurait pu m'influencer pour que je la libère. Et ce n'était pas quelque chose à faire. Et si je ne l'avais tout de même pas libérée, elle en aurait été furieuse. Non, une amitié était impossible entre nous deux. Parce qu'elle était un danger pour mon monde et moi, j'étais son geôlier.
« Ce que tu peux être rabat joie... » soupira la Piri.
Je pouvais sentir son agacement à cet instant. Ça changeait un peu de son éternel amusement. Mais ce n'était pas forcément une bonne idée de la mettre de mauvaise humeur. Même si elle était enfermée.
« Je ne suis pas de mauvaise humeur. » m'assura-t-elle. « Il en faudrait beaucoup plus pour que je boude mon plaisir. »
Et en effet, son émotion avait encore changé pour passer à de la jubilation. Là, j'en étais certain, elle avait vraiment fait quelque chose. Mais sur quoi pouvait elle influer depuis l'intérieur de sa prison ? Et en plus, quand je tenais tout le monde écarté d'elle ? Le seul moment où je l'avais laissé seule dernièrement était quand j'avais été au banquet de bienvenue pour l'étrangère. Encore elle. Tout le monde s'y trouvait alors. Une servante ne se serait pas permise de s'immiscer dans le pavillon sans permission à cette occasion, quand même ?
VOUS LISEZ
Le souhait du roi
Fanfiction[ ! ] Cette histoire est une fanfiction mais seuls les noms et apparences de certains personnages sont empruntés à la réalité. Elle peut donc être lue comme un roman fantasy/historique pour les non-initiés. L'histoire se passe en Corée médiévale. Sy...