Le souhait du roi

Chapitre 88

Le médecin m'avait posé plein de question et vérifié à peu près tout ce qu'il pouvait sans ôter mes vêtements. Il s'était aussi assuré plus ou moins discrètement que je n'étais pas enceinte parce que ma parole ne suffisait apparemment pas. On ne savait jamais, j'étais peut-être malade parce que j'avais couché hors mariage... La confiance était dingue. A se demander pourquoi ils n'avaient pas décidé de vérifier avant que je sois fiancée au prince Seong Hwa.

Finalement, il avait diagnostiqué une « forte émotion », un mal typiquement féminin, dû à la confrontation avec une situation exceptionnelle, telle que les fiançailles d'aujourd'hui. En gros, j'avais fait un malaise de bonheur -ou de désespoir- à cause de la situation. Les médecins aussi étaient en carton. Même si le carton était encore loin d'être inventé, dans les faits.

Mais je ne pouvais pas lui en vouloir de ne pas avoir trouvé ce que j'avais exactement étant donné que ça avait plutôt un lien avec mon don et donc le monde des esprits. Un chamane aurait peut-être été plus adéquat dans un cas pareil. Mais il aurait pu avouer qu'il ne savait pas ce que je pouvais bien avoir au lieu d'invoquer la fragilité du sexe faible. Enfin... Qu'est ce que je pouvais attendre d'une société si fière et sexiste ?

« Me permettez vous de vous raccompagner dans vos quartiers, Mademoiselle ? » me demanda formellement Yeo Sang, alors que le médecin était encore là. Ça me faisait toujours bizarre quand il me vouvoyait. Mais je savais qu'il faisait ça pour la galerie alors je ne me formalisai pas.

« Je ne crois pas être encore en état de me relever. » lui indiquai je, avec une certaine gêne.

C'était un peu embêtant de perdre le contrôle de son corps, comme ça...

Il leva les yeux au ciel, profitant du fait que le médecin ne s'intéressait plus à nous et se pencha pour me soulever de terre comme si je ne pesais rien. Wow. Je n'aurais jamais pensé que Yeo Sang avait autant de force. Comme il était plutôt fin, j'avais pensé à tort qu'il n'avait pas tant de muscles que ça. Mais si j'avais été maline, j'aurais pensé que Jong Ho me l'avait assigné comme garde du corps. Ça devait quand même vouloir dire qu'il pouvait se confronter à des gens potentiellement puissants et déterminés.

Dans tous les cas, il me tint fermement et gratifia le médecin d'un petit signe de tête pour prendre congé, au lieu de la courbette habituelle. En même temps, s'il l'avait fait, j'aurais roulé à terre. Je supposai que dans un cas pareil, on pouvait faire une petite entorse à l'étiquette. De toute façon, le médecin n'avait plus l'air de s'intéresser à nous et semblait attendre que je m'en aille pour pouvoir aussi prendre congé. Je supposai qu'en tant que fiancée du prince, j'étais plus haut dans la hiérarchie et je devais donner le ton. Mais là je n'étais plus capable de rien. Tant pis. Il serait lui-même capable de déterminer quand il pourrait retourner à ses occupations. Quand nous passâmes devant lui, il s'inclina longuement et je ne le vis même pas se relever, tournant la tête pour regarder le chemin.

Même si j'étais heureuse de savoir que j'allais me retrouver enfin en calme dans quelques instants, je me sentais très mal à l'aise dans les bras de Yeo Sang. En fait, j'avais même la nausée. Une nausée qui montait peu à peu et qui commençait à me faire haleter. Je tournai la tête vers le visage de Yeo Sang pour l'avertir. Je ne savais pas si je n'allais pas vomir. Mais alors que je le regardai lui plutôt que le chemin devant nous, je vis avec une acuité surprenante son aura gris jaune qui m'enveloppait presque et mon cœur s'accéléra, comme si j'étais pris d'une panique inexplicable. Cela me rendit encore plus malade. Mon estomac se retournait et mes boyaux se tordaient, si bien que je n'étais même pas sûre de pouvoir m'exprimer. L'air me manquait, comme si j'avais tout à coup plongé sous l'eau et j'eus des sueurs froides.

Puis d'un coup, le monde devint noir et blanc dans un flash. Pas progressivement comme d'habitude mais d'un battement de cil. Des lumières blanches se mirent à clignoter devant mes yeux, effaçant le reste du paysage et j'eus l'impression de tomber dans le vide, criant silencieusement. Tout tournait autour de moi et des images désordonnées et floues défilèrent sous mes yeux tandis que j'avais toujours l'impression de chuter. L'éclat d'une lame, une vieille femme, une flaque de sang, une main de femme, un jouet d'enfant, un corps sur le sol, une porte ouverte, un autel... Des tas d'autres images sans ordre ni sens me submergèrent et pendant qu'elles s'imposaient, une voix de femme irritée résonnait.