Chapitre 2

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Des précisions sur le vocabulaire spécifique sont données en bas de page

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Nous avons chevauché longtemps. Très longtemps. Trop longtemps. Au bout des dix premières minutes, je m'étais dit qu'ils s'étaient donnés du mal. Au bout de trente, qu'ils exagéraient. Au bout d'une heure je me posais de sérieuses questions. Trois heures après, je n'avais osé rien dire mais j'avais mal aux fesses. Je pouvais légitimement dire que j'en avais plein le cul. Et que ma journée de cours était foutue. Quand est ce qu'ils allaient tout arrêter et me dire que tout ça n'était qu'une vaste blague ? J'étais même prête à leur pardonner immédiatement s'ils me donnaient à manger. Ça n'en donnait peut-être pas l'impression mais chevaucher creusait l'appétit.

Jong Ho avait bien essayé d'entamer la conversation, plusieurs fois, mais je n'étais pas vraiment d'humeur à jouer le jeu jusqu'au bout. Ça ne m'amusait pas vraiment quand je savais que j'allais avoir un nombre considérable d'heures à rattraper. Est-ce que j'allais même avoir la foi de le faire ?

Au bout de longues heures, il finit par mettre sa monture à l'arrêt et en descendre. Je regardai autour de moi. Ce n'était encore que de la forêt. Nous avions traversé un paysage tantôt forestier, tantôt bordé de prairies mais nous n'avions pas croisé la moindre trace de civilisation. A se demander comment ils avaient pu dénicher un lieu aussi paumé. Et comment ils avaient fait pour m'y transporter.

Mais le fait que nous nous arrêtions là m'inquiétait. Me promener d'un bout de forêt à un autre n'avait que peu d'intérêt, à part me faire tourner en bourrique.

Pourtant, il ne me demanda pas de descendre et ne me tendis pas non plus la main pour m'aider à le faire. A la place, il dénoua la petite cordelette qui cintrait sa tenue et enleva son dapho qu'il me tendit.

« Tu devrais le porter sur ta tête. » me dit il comme je ne faisais aucun geste pour le saisir. « Sinon tu risques d'attirer beaucoup l'attention et je préférerais qu'on te rende présentable, avant ça. »

« Un jean et un t-shirt, c'est passe partout. » lui fis je remarquer. « A moins que tu veuilles que je porte aussi un hanbok... Mais j'avoue que je n'ai pas très envie de rentrer dans ce délire là et en plus, je meurs de faim. »

Il eut un moment d'arrêt.

« Je ne comprends pas la moitié de ce que tu dis. » souligna-t-il. « Et tu as une drôle de manière de t'exprimer. Peut-être un dialecte que je ne connais pas ? De quelle nation es-tu ? »

Et voilà qu'il essayait à nouveau d'engager la conversation.

« De France. Et j'aimerai bien y retourner. » grommelai-je, pensant que tout ça avait bien assez duré.

Il pencha la tête.

« Je n'en ai jamais entendu parler. » signifia-t-il. « Pourtant, ça doit être limitrophe comme tu parles bien le coréen. »

J'éclatai de rire. C'était surement dû à la fatigue, physique comme nerveuse.

« T'as une imagination débordante mais j'ai pas trop envie de jouer à faire semblant. Je ne sais pas parler coréen. »

Il fronça les sourcils.

« Et moi, je sais parler chinois et coréen et tu ne parles définitivement pas chinois alors... »

Je soufflai.

« Bon. Ecoutes. Qu'est-ce que je dois faire pour qu'on arrête de jouer ? » demandai-je, sérieusement.

Malgré tout, je m'inquiétais un peu de la façon dont les mots sortaient de ma bouche. C'était vrai que j'avais l'impression depuis le début qu'ils étaient déformés et cette conversation me le rappelait. Je devenais paranoïaque.

Le souhait du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant