Chapitre 59 bis

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Le prince Woo Young semblait s'être figé à l'entente de ma réponse. Il ne devait pas s'attendre à ce que je lui oppose un refus. Il fronça les sourcils et sembla m'observer, comme s'il me jaugeait. Ici, les personnes qui me rencontraient pour la première fois ne pouvaient pas s'empêcher de me détailler. Il fallait dire qu'on ne trouvait pas d'étrangers à Joseon. Même leurs voisins chinois se faisaient rare. Je me souvenais qu'un de mes manuels d'histoire mentionnait que Joseon était qualifié dans le présent de « royaume ermite » à cause de sa politique isolationniste. Alors pour tout le monde, j'étais une étrangeté, une rareté et très probablement, un danger. C'était précisément ce que je voyais dans les yeux du prince à ce moment. Une grande méfiance. Mais aussi une hésitation.

« Profite de son moment de doute. » me supplia l'esprit. « Attrape la flute et fuis. Il n'a pas de serviteurs. Il ne s'y attendra pas et il suffira de trouver une cachette. Une fois que je serais libre, nous pourrons toutes les deux faire ce que nous voulons. »

J'avais très envie de faire ce que me disait l'esprit. Mais en même temps, j'avais peur. Peur de ne pas arriver à prendre l'instrument sans que le prince ne m'attrape, peur de ce qu'il pouvait me faire si je n'arrivais pas à m'échapper. Et si je pouvais résoudre les choses en lui parlant ? Mais s'il ne voulait pas m'écouter ? Qu'est-ce que je pouvais attendre d'un homme qui séquestrait une petite fille ?

« Il vaudrait peut-être mieux ne rien attendre de lui. » me pressa l'enfant esprit. « Dans un instant, il pourrait se jeter sur toi pour te tordre le cou, puisque tu refuses de partir. S'il le faisait, il pourrait ne jamais être puni parce que c'est le frère du roi. »

Elle se remit à pleurer. Et moi, j'avais l'impression d'être figée sur place. J'avais plus peur que jamais. Je n'osais pas quitter le prince des yeux, à l'affut du moindre mouvement. Comme il m'avait écarté de l'étagère où était posée la flûte, il fallait que je passe devant lui pour l'attraper. Est-ce que je pouvais être assez rapide pour le faire ?

Mais au moment où je pensais bondir sur la flûte, le prince se décida à prendre la parole.

« Allons parler ailleurs. » dit-il, d'une voix assez neutre.

Avait-il pu changer d'idée aussi vite ? A bien le regarder, il n'avait pas l'air menaçant. Simplement un peu résigné et peut être un peu curieux. Il me perçait du regard. Il me fit un signe de la main pour me désigner la sortie.

« Ne l'écoute pas. Il va t'emmener dans un endroit isolé, en dehors du pavillon, probablement pour ne pas faire d'histoire. Et il aurait alors le loisir de te laisser pour morte. Oh, s'il te plait, écoute-moi et n'y va pas. » gémit l'esprit.

Mais je n'avais pas le choix. Comme il voulait que je sorte, le prince s'était un peu avancé et maintenant, je ne pourrais plus avoir accès à l'instrument de musique dans lequel l'esprit était piégé. Je pouvais toujours m'enfuir, seule, vers la sortie mais si j'avais une chance de raisonner le prince...

« Où voulez-vous aller ? » demandai je, méfiante, en reculant vers la sortie.

Pas question que je le laisse m'emmener dans un coupe gorge.

« Nous pourrions aller ne promener dans les jardins. » proposa le prince.

« Je te l'avais dit. Il veut t'emmener là où il n'y a personne. » chouina l'esprit. « Tu devrais fuir tant qu'il en est encore temps. Je ne veux pas que tu meures. S'il te plait, fuis sans te retourner. Tu pourras toujours revenir plus tard. » supplia-t-elle.

« Vous comptez me faire quelque chose ? » demandai je, de but en blanc.

C'était sorti tout seul mais j'étais au bout du rouleau. Je n'avais pas envie de faire face à une nouvelle tentative de meurtre.

Le souhait du roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant