La Tour d'Ivoire - Tome 3

Parce que c'était toi - Partie I

"You're my brother. Until the end of times. Even after that."

Auteur Inconnu

Arianna

         Cela faisait des semaines qu'elle était enfermée. Elle n'était toujours pas morte. Pourtant, elle devrait l'être. Elle n'avait rien dit. Pas parlé, pas coopérer. Rien. Elle n'avait donné à son frère et à ses hommes aucune information concernant Era, la princesse perdue de la Tour d'Ivoire. La princesse que le peuple pleurait depuis sa disparition tragique. Le peuple, qui, pour une obscure raison, aimait Era Eléazar. Non. À présent, elle s'appelait Era Malkam. Selon leur loi, Era n'était même plus véritablement de sa famille. Elle ne l'avait jamais été. Arianna avait cessé d'être une Eléazar le jour de son mariage, et Era était devenue elle aussi une autre le jour où elle avait épousé le Prince Ayaan Malkam. Pourtant, le même sang coulait dans leur veine, et Arianna aurait donné sa vie pour elle. Quelque chose de plus profond encore que leur lien de tante et de nièce les unissait.

            Puis Arianna pensa à Anna. La douleur ressurgit, menaçant de l'engloutir, de l'étouffer, de la priver de sa raison. Elle n'avait pas pleuré. Même lorsqu'elle avait vu les membres des Souffleurs de Rêves mourir les uns après les autres, même lorsque son amie, Irone, avait expiré son dernier souffle. Elle ne savait pas si Anna était encore en vie, elle savait pourtant que son refus de parler condamnerait la jeune fille. Elle en était consciente, mais elle ne pouvait pas détruire tout ce que sa mère et elle avaient construit. Maria Eléazar avait été claire : Era devait à tout prix quitter la Tour. Depuis ce jour, Arianna avait tout sacrifié. Sa famille. Son mari. Ses amis. Anna.

            Elle avait cru au rêve des Souffleurs de Rêves, avant même d'apprendre que c'était sa propre mère qui en était à la tête. Elle aimait Era, et avait fait la promesse, il y a bien longtemps, de tout faire pour la protéger. Difficile d'oublier ce jour, surtout que son frère jumeau avait prononcé les mêmes vœux qu'elle, la même promesse.

            La porte s'ouvrit soudain à la volée. Elle se redressa sur son lit. Un homme lourdement armé entra, saisit Arianna par le bras et la souleva sans ménagement. Elle se débattit, mais rien n'y faisait. Pieds et poings liés, elle ne faisait pas le poids contre ce colosse.

            L'homme la traina dans les couloirs pendant quelques minutes, elle enregistra le moindre détail dans son esprit. La moindre porte, ascenseur, tout lui serait utile si elle arrivait un jour à s'échapper. Mais son frère n'était pas idiot, il savait très bien que si elle s'échappait, il ne la retrouverait jamais. Elle connaissait les moindres recoins de cette Tour. Sa mère en personne lui avait tout appris. Les Souffleurs de Rêves avaient trouvé au fil des millénaires de nombreuses cachettes et passages secrets, mais Maria Eléazar en avait encore découvert à elle seule des centaines et des centaines, mais elle avait toujours refusé d'expliquer à sa fille comment elle y était parvenue.

            -Attends là et tais-toi, grogna l'homme qui la jeta avec brusquerie dans une petite salle.

            Il referma la porte à clé derrière lui.

            Arianna était seule dans la petite pièce. Des murs blancs, aucune chaise ni de lit, rien mis à part une vitre teintée.

            Elle entoura ses épaules de ses mains et s'efforça de ne pas paniquer. Si c'était là sa nouvelle cellule, elle ne donnerait pas cher de sa santé mentale. Elle perdrait la tête au bout de quelques semaines.

            Mais au bout de quelques minutes, la porte s'ouvrit avec douceur.

            Elle se retourna d'un mouvement vif et se raidit.