« You may not be interested in war,
but war is interested in you. »Leon Trotsky
Elina
Cela faisait des semaines qu'elle enquêtait, qu'elle arpentait les ruelles d'Aviam de jour comme de nuit. Elle ne comprenait pas bien pourquoi Seth lui avait confié cette mission, elle n'avait posé aucune question et s'était docilement attelée à sa tâche.
Elle écoutait les rumeurs et murmures en veillant bien à toujours rester dans l'ombre. Elina savait très bien faire ça. Depuis qu'elle était enfant, elle se faisait occulter par le charisme magnétique des autres Joyaux d'Émeraude.
Mais aujourd'hui, elle avait enfin réussi à pénétrer dans le bureau de l'ancienne reine Saphir Erel Viviana. Après la mort de sa mère, Saphir avait décidé d'installer son bureau dans ses propres appartements privés, laissant celui de sa mère dans l'oubli. Elina savait que l'information qu'elle cherchait était ici.
Sans un bruit, elle entra dans le bureau, ayant volé la clé à Saphir en personne le matin même. La jeune reine ne se méfiait pas encore assez de ses amis.
Situé côté mer, il était parfaitement ordonné. Personne ne semblait avoir encore fouillé dans les affaires de la reine depuis sa mort. Elina trouva cela très étrange. Saphir avait certainement peur de ce qu'elle pouvait y trouver. Parfois, fermer les yeux, ne pas savoir était le meilleur moyen de se protéger.
Mais Elina était une espionne, elle apprenait souvent des vérités qui lui donnaient la nausée. Elle avait l'habitude. Elle avait elle-même appris récemment que la mort de ses parents avait été fomentée par une Nation prétendument alliée. Plus rien ne lui faisait peur.
Elle commença par les étagères, ouvrit chaque livre, chaque dossier, prenant toutes les précautions pour ne pas faire le moindre bruit. Elle n'osait pas imaginer les conséquences si les Saphirs la retrouvaient ici.
Elle était dans le bureau depuis plus d'une demi-heure lorsqu'elle tomba sur une lettre adressée à Sogar Viviana. La reine Erel écrivait à son frère sur ses tourments. La lettre datait d'il y a à un peu moins de 25ans.
Cela pouvait correspondre à ce que Elina cherchait à découvrir.
Elina la lut brièvement et se figea.
Elle avait sa preuve.
Lorsque Seth lui avait demandé d'enquêter sur l'enfant perdu d'Anaël Viviana, la plus jeune sœur de Sogar et Erel, Elina n'avait pas caché sa surprise. Anaël s'étant suicidé après la condamnation à mort de son amant Tourmaline – l'amour internation étant encore plus sévèrement puni à l'époque – l'enfant qu'elle portait était mort avec elle. Mais des rumeurs disaient que l'enfant était encore en vie. Des rumeurs, rien que des rumeurs. Mais Seth était certain que l'enfant vivait, et qu'il fallait le retrouver. Elle ne comprenait pas pourquoi.
À présent, elle comprenait un peu mieux.
Elle trouva l'ensemble des correspondances entre le frère et la sœur. Tout prenait soudain sens. Ces pages faisaient état d'une triste vérité : Anaël ne s'était pas tout de suite suicidée. Elle avait mené sa grossesse à son terme, sous l'œil vigilant de son frère et de sa sœur. À la naissance de l'enfant, Erel et Sogar avaient souhaité qu'elle empoisonne l'enfant, craignant que l'enfant convoite un jour le trône et menace la succession d'Erel. Et à la lumière de ce qu'ils avaient appris récemment, Sogar ne voulait certainement pas d'un autre adversaire potentiel.
Mais Anaël avait refusé de tuer son enfant, et selon ce que Erel avait réussi à lui extorquer comme informations, Anaél aurait laissé une lettre à son enfant lui expliquant son héritage. Puis elle s'était suicidée, pour protéger le secret de son enfant, pour que personne ne sache jamais où il se trouve. Selon Erel, Anaël aurait probablement laissé un bijou à l'enfant :
Te souviens-tu, mon frère, du collier qu'Anaël portait depuis sa naissance ? Une vague faite de centaines de petits saphirs bleutés ? Elle ne l'avait pas sur elle le jour de sa mort, et il est introuvable. Je la soupçonne de l'avoir laissé à l'enfant. Si tu retrouves le bijou, tu retrouves l'enfant. Nous devons nous en débarrasser.
Ils n'avaient jamais retrouvé l'enfant. Plus les années passaient, moins il y avait de lettres. Sogar avait parfois trouvé des pistes, mais aucune ne l'avaient mené à l'enfant perdu, aujourd'hui adulte.
Elina n'avait peut-être pas trouvé le nom de l'enfant, mais elle en savait assez pour le retrouver. Elle devait se hâter, il fallait qu'elle raconte tout cela à Seth dans une lettre.
Elle sortit sans un bruit, et regagna ses appartements.
Mais lorsqu'elle entra, elle comprit bien vite qu'elle n'était pas seule.
Une femme était là. Elle lui tournait le dos, mais lorsqu'elle se retourna, elle eut un mouvement de recul.
Âgée d'au moins une soixantaine d'années, le visage hâlé et marqué par le temps, elle possédait un sourire figé et glacé. Ses yeux, d'une curieuse couleur noisette, pétillaient d'intelligence. Ses cheveux, de longs filaments de soie blancs, arrivaient presque à sa taille.
Elle était fine, et ses mains étaient jointes derrière son dos. Elle rappelait à Elina les professeurs strictes de son enfance. Mais si derrière leur manière intraitable, ces anciens précepteurs avaient cherché son bien, elle n'était pas certaine qu'il en allait de même pour cette femme à l'air austère. Ce ne fut pas son apparence étrange qui effraya Elina, mais bien l'absence de gemme à son oreille.
Lisse de toute perforation, ses lobes d'oreille étaient un signe de déchéance, de vide dans leur société.
Elina avait déjà la main posée sur la garde de son épée, mais la femme ne sembla pas s'en émouvoir. Elle la contempla en silence, comme si elle avait attendu ce jour des années durant. La jeune fille n'aurait su vraiment dire pourquoi, mais une infime vague de peur envahit son être lorsqu'elle regardait cette femme à l'allure fantomatique.
-Elina Sarkis, fit soudain la femme.
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La Tour d'Ivoire - Tome 3
Science FictionAlors qu'elle s'apprête à découvrir la tristement célèbre Nation de Rubis, Era n'a qu'une idée en tête : protéger les siens et empêcher son cœur de mettre le monde en danger. Attiré par ses yeux rouges sang semblables à ceux de son peuple et par le...