La Tour d'Ivoire - Tome 3

L'aube des dieux

« Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l'Etat te le demande. »

Albert Einstein

Amara avait le trac.

Oh, pas pour elle, mais pour le garçon à quelques pas d'elle.

Debout devant un grand miroir en pied, Maximilian Malkam se contemplait silencieusement dans une glace. Il souriait, grimaçait, prenait un air sérieux. Concentré, perdu dans ses pensées, il semblait être seul au monde.

Dans quelques minutes, Maximilian allait devoir parler devant des centaines de milliers de personnes, l'évènement sera retransmis dans tout le pays. C'était un tour de force inespéré, si cela fonctionnait, si Maximilian était assez convaincant, ils se frayeraient enfin un chemin aux portes du pouvoir. C'était ce qui les faisait rêver depuis des mois, ce qui les maintenait éveiller chaque nuit depuis que l'idée avait commencé à germer dans leur esprit.

Seul dans la loge, le petit groupe attendait son heure.

Mais Amara était la seule de ses amies à être autant angoissé.

Apolline était assise par terre, occupée à griffonner dans son carnet et à expliquer des notions de génétique à Anastasia.

Quant à Alexander et elle, ils étaient assis à une table, l'un en face de l'autre, plongé dans les dernières modifications du texte de Maximilian. Il fallait que tout soit parfait, chaque mot comptait.

De temps en temps, Anastasia venait leur donner quelques conseils. Linguiste, elle était experte dans le maniement des langues. Mais là, cela allait au-delà, il fallait convaincre, manipuler même. Et Maximilian, Alexander et Amara étaient les meilleurs à ce petit jeu.

Cela faisait plus d'une heure qu'ils travaillaient et les mots commençaient à danser devant ses yeux. Elle leva les yeux vers Alexander, il ne semblait pas inquiet. Son front pâle était plissé par la concentration.

Ses yeux d'un bleu polaire croisèrent les siens.

-À quoi penses-tu, Amara ? souffla-t-il tout bas. Je vois bien que tu es préoccupée.

-Vous devriez l'être aussi.

Il haussa un sourcil.

-Nous allons réussir, nous avons le devoir de réussir.

Elle secoua la tête et montra Maximilian de la main.

-N'y aurait-il pas mieux fallu que ce soit lui-même qui écrive ce texte ? Il est assez doué pour ça !

Alexander lui lança un lourd regard chargé de sous-entendu.

Elle soupira.

Elle savait ce qu'il voulait lui faire comprendre.

Elle regarda ses trois autres amis.

La veille, Alexander, son meilleur ami, lui avait dit que c'était eux deux qui étaient les plus brillants du groupe, qu'ils avaient tous deux un ascendant non négligeable sur les trois autres membres de leur groupe. Qu'ils pouvaient prendre le pouvoir sur eux. Amara n'avait pas trop su quoi en penser. Ils avaient toujours été cinq, ensemble, de manière équitable, pourquoi est-ce que cela changerait ?

Elle se souvenait très bien de leur discussion :

-Pourquoi faudrait-il que nous soyons plus que les autres ? avait-elle demandé.