« Personne ne s'empare du pouvoir dans l'intention d'y renoncer un jour. Le pouvoir n'est pas un moyen, c'est une fin. »
George Orwell
Je bondis.
Ayaan entra paisiblement dans la pièce et s'adossa contre le bureau derrière moi. Il me détailla de haut en bas, un sourire à la fois doux et amusé aux lèvres. Son attitude à mon égard n'était plus la même depuis qu'il savait que je portais son fils.
Il leva les yeux vers la bibliothèque et la section de livre devant laquelle j'étais.
Son visage se fendit d'un masque de tristesse.
-Ah... c'est donc ça qui t'intéresse tant... Qu'as-tu donc trouvé de si passionnant dans les écrits de nos ancêtres ?
-Je ne sais pas. À toi de me le dire. Les as-tu lus ?
Il hocha la tête.
-Tous ?
-Oui, Era, tous. Que cherches-tu à savoir ?
-Et vous ? sifflai-je avec véhémence. Que cherchez-vous à cacher ?
Je dus me retenir de dire qui à la place de que.
Le souvenir d'Amara avait été effacé, brûlé, anéanti, et ils continuaient de perpétuer cet oubli et ces mensonges.
Son sourire disparu aussitôt.
-Tu ferais bien de te taire, Era. Contrairement à ce que l'on dit, l'ignorance est le meilleur des saluts.
Aussitôt, il me fit penser à Alexander Eléazar, « l'ami » mortel d'Amara.
-Au contraire, c'est le savoir qui a mené ta famille au pouvoir. (Je montrai les livres d'un signe de main.) Pourquoi ne pas partager ses trésors du passé avec la Tour entière ?
-Avant, j'aurais pensé comme toi. Puis récemment, après ta fuite, pour être exact, mon père m'a donné ces journaux intimes à lire, et j'ai compris que j'avais eu tort. J'ai compris que certaines choses ne doivent jamais être sues.
-Pourquoi ?
-Pour le bien de tous, et celui du monde.
-Tu parles comme un tyran, Ayaan.
-N'est-ce pas ce que je suis à tes yeux, après tout ?
-Tout à fait.
-Très bien, cela me va, accepta-t-il d'un ton sec. Plutôt un tyran qu'une victime. Et toi, Era, susurra-t-il en s'approchant de moi, qu'es-tu ?
-Ni l'un ni l'autre, répondis-je avec véhémence.
Il rit.
-Oh, ma chérie... tu es une Eléazar, et les Eléazar ont toujours été des tyrans.
Il montra de la tête le journal de mon ancêtre, Alexander.
-Depuis toujours, ajouta-t-il en un souffle. C'est dans votre sang, dans tout ce qui constitue votre être.
Oui, nombre d'Eléazar avaient été des tyrans, mais chacun de nous faisait ses propres choix. Ni ma grand-mère ni Arianna n'étaient devenues des tyrans. Je refusais de croire à ce déterminisme cynique.
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La Tour d'Ivoire - Tome 3
Science FictionAlors qu'elle s'apprête à découvrir la tristement célèbre Nation de Rubis, Era n'a qu'une idée en tête : protéger les siens et empêcher son cœur de mettre le monde en danger. Attiré par ses yeux rouges sang semblables à ceux de son peuple et par le...