La Tour d'Ivoire - Tome 3

Larmes glacées

"Lentement et cruellement, les souvenirs devinrent spectres.

Des spectres d'un passé oublié, pleuré, meurtri.

Les spectre d'une autre vie, d'une autre fille."

MM

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Aujourd'hui, c'est mon anniversaire (🥳), alors pour une fois, il y aura un chapitre publié aujourd'hui ainsi que demain !

Bonne lecture

Marie 🖤

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Elvira

Le camp militaire s'étendait à perte de vue devant elle. Innombrables taches brunes et vertes dans un champ sans fin. L'armée campait dans des tentes dans une des vastes prairies situées à la lisière de la frontière entre la Nation d'Émeraude et celle de Diamant. Quelques kilomètres plus loin, les Diamants en faisaient autant.

Plusieurs journées de batailles avaient déjà eu lieu. Ils avaient perdu beaucoup d'hommes et de femmes. Heureusement, les armées de la Nation de Saphirs arriveraient bientôt. Mais la jeune Diamant n'était pas dupe, cela ne suffirait pas. Les Diamants étaient la Nation comptant le plus de membres. Ils étaient des centaines de milliers, et avec l'armée navale Rubis qui avançait rapidement pour attaquer celle des Saphirs, ils auraient plusieurs fronts à gérer en même temps. Devant leur détresse, les autres Nations faisaient la sourde oreille, même leur prétendu allié Tourmaline.

Elvira sentit un gout de cendre dans la bouche. Elle aurait pensé la Reine Seraone Kizha plus courageuse. Elle était déçue. Jamais elle n'aurait imaginé qu'elle les laisserait se débrouiller. Pour se justifier, la jeune Reine évoquait le temps, elle avait besoin de temps pour prendre sa décision, celle d'embarquer toute sa Nation dans une guerre. Pendant qu'eux mouraient, Seraone réfléchissait. Elvira pesta. Le temps, c'est justement ce qui leur manquait, et Seraone osait en abuser.

Elvira passa une main dans sa chevelure blonde. Elle grimaça. Sales. Ses cheveux étaient sales, comme tout le reste de sa personne. Elle n'avait pas dormi depuis trois jours. Elle était épuisée. En tant qu'ambassadrice, elle avait quêté de l'aide dans chaque Nation, en vain. À présent, c'était le champ de bataille qui l'attendait. Et la mort, par la main de ceux qui partageaient son sang.

Elle toucha le Diamant à son oreille. Parfois, elle se demandait encore pourquoi elle ne s'en était pas débarrassée, comme Myriam. Enfin, ce n'était plus tout à fait vrai, Myriam arborait de nouveau son Rubis depuis qu'elle était revenue de son séjour dans sa patrie d'origine. La flamme qui dansait à présent dans les yeux de la jeune Rubis était saisissante d'intensité. Tant mieux, c'était de force et de braise qu'ils auraient besoin pour gagner cette bataille. Myriam aurait pu rester en Nation de Rubis et sauver sa vie, mais elle était revenue, elle et Clara avaient choisi de périr à leur côté. Elvira l'admirait, elle lui avait d'ailleurs dit. Myriam lui avait simplement répondu qu'ils étaient sa famille et qu'elle se battrait toujours pour les siens.

Myriam avait perdu une partie de sa famille. Tout comme Elvira.

Elle se disait que c'était pire pour Myriam, elle avait tout perdu à 16 ans, Elvira en avait seulement 10 quand sa vie avait volé en éclat. Elle n'avait eu aucun mal à reconstruire sa vie chez les Émeraudes. Oublier est facile lorsqu'on a 10 ans.

Elle laissa son regard se perdre à l'horizon. Parfois, sa Nation d'origine lui manquait. Vivant dans les contrées les plus enneigées et les plus froides, elle avait toujours détesté la chaleur. Maintenant, elle y était habituée. Même ses cheveux et sa peau avaient foncé, perdant peu à peu leur blancheur d'origine. Seuls ses yeux avaient gardé l'éclat glacial de sa contrée natale.

Pouvait-elle dire que son enfance lui manquait ? Non, elle avait été dure et cruelle. Mais les paysages et la nature si particulière de son foyer lui manquaient, tout comme ceux qu'elle avait un jour aimés.

Sasha. Helena. Darius.

Des noms oubliés. Hurlés la nuit. Murmurés au vent. Les prénoms de ceux et celles qu'elles avaient un jour aimés autant que Seth, Gabriel, Raphaël, Néhora, Myriam, Clara, Elina...

Elle avait l'impression que tout ceci appartenait à une autre vie, une autre personne.

Enfant, elle avait dessiné leur portrait. Les yeux gris de Sasha. Les yeux si semblables aux siens d'Helena, et les boucles blanches de Darius.

À présent, 15 ans plus tard, elle ne se souvenait même plus des traits de leur visage. Tout s'estompait. Tout devenait flou. Parfois, elle se haïssait, pour les avoir oubliés, pour n'avoir rien fait. Elle ne savait même pas ce qu'ils devenaient. Elle ne savait même pas s'ils étaient encore en vie. C'était ce qui était le pire, continuait-elle d'aimer des gens qui n'étaient peut-être plus que des fantômes...

Une boule obstrua sa gorge.

Elle n'avait pas encore posé le pied sur le champ de bataille depuis le début des hostilités. Elle était allée à Amidror, avait aidé les quelques rescapés, elle avait revu la mort, la tristesse et le désespoir. Elle avait vu la capitale dévastée.

Oui, la guerre était bien là. Aucun doute là-dessus.

Et bientôt, elle allait devoir tuer ses anciens frères et sœurs. Et ceux qu'elle aimait, seraient-ils là ? À la combattre ? Serait-elle elle qui les achèverait ?

Le moment qu'elle avait toujours craint arrivait. Le moment qu'elle avait toujours attendue arrivait.

Elle avait une guerre à gagner. Et une vie à récupérer.

Enfin.

Elle serra son épée de toutes ses forces.

Markus, Katharina, Erika, Ewen. J'arrive.

Vous payerez.