La chevaucheuse de tempêtes - Partie I

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"Et ce fut comme si elle mourait une seconde fois."

MM

Myriam

            Myriam errait sans réel but dans les ruelles de la ville. Elle avait l'impression que cela faisait mille ans qu'elle n'avait plus remis les pieds ici. Ces maisons, cette terre, cette architecture appartenaient à un autre monde, un monde qu'elle avait juré de quitter et de détruire. Pourtant, cette petite fille qui riait en coursant son frère n'était pas responsable des agissements des siens ni ce bébé dans les bras de sa mère. Encore moins ce vieil homme assis sans un mot devant sa maison. Chacun de ses visages était le sien, chacun de ses yeux était les siens. Ils étaient son peuple, sa famille, son sang. Elle le savait, au fond d'elle. Ce n'était pas parce qu'elle avait arraché le Rubis de son oreille qu'elle pouvait effacer son lieu de naissance.

            Elle était une Rubis. Cela se voyait. Cela se verrait toujours. À moins qu'elle n'arrache ses yeux de ses orbites, elle serait toujours marquée.

            Mais c'était plus que ça.

            Oui. Elle était Rubis. Elle était née, avait grandi ici. Elle avait couru dans ses rues, pleuré dans ce champ et s'était fait mal sur ce muret. Elle avait saigné, gagné, menti, triché, et aimé ici. Le fantôme de celle qu'elle avait été hantait encore ces rues.

            Après avoir parlé avec Lévana, elle se sentait étrange. Elle avait l'impression qu'un poids s'était retiré de sa poitrine et en même temps, elle peinait à respirer.

            Les gens la regardaient. Ils chuchotaient sur son passage. Fixant l'Émeraude sur son oreille, faisant des allées retours entre cette dernière et ses yeux vermeils. Myriam n'était que nuance et contradiction. Une Rubis et une Émeraude, et en même temps, rien de tout cela. Devenue noble et en même temps paysanne. Elle n'était qu'un spectre oscillant entre vie et mort.

            Au détour d'une rue, une main se referma sur son bras avec force. D'un mouvement brusque, Myriam se dégagea et poussa violemment son assaillant contre le mur, à l'écart des regards indiscrets.

            C'était une femme. Elle avait l'air terrifiée.

            -Myriam... Myriam, c'est moi ... Lydia.

            Ce nom lui disait quelque chose. Elle avait de grands yeux rouges bordés de longs cils noirs, un beau visage et de longs cheveux blonds.

            -J'étais une amie de ta mère. Améliane.

            Oui, elle se souvenait d'elle.

            -Vous étiez sa meilleure amie.

            La femme hocha la tête.

            -Vous montiez tous les mercredis à cheval ensemble. Et vous lui avez appris...

            -Je lui ai appris à tirer à l'arc, oui, la coupa-t-elle.

            Myriam la lâcha.        

            La jeune fille massa doucement son bras endolori, sans toutefois la lâcher du regard.

            -Suis-moi.

            Lydia lui prit la main et l'emmena à sa suite.

            Myriam se souvenait peu à peu du chemin qu'elle prenait. Elles allaient chez Lydia.

            -Je me souviens, chuchota la jeune fille. Cela fait si longtemps...

            Elles entrèrent dans la maison, et Lydia regarda autour d'elle pour être sûre que personne ne les avait vus.

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant