La Tour d'Ivoire - Tome 3

La relève

Ma vie à la tienne est tressée

Comme on tresse des fils soyeux,

Et je pense avec ta pensée,

Et je regarde avec tes yeux.

L'Ame, Victor Hugo

Ilyana

            Ilyana se rongeait les ongles, une mauvaise habitude qui était apparue suite à la mort de son père, un haut Représentant assassiné par Melech Malkam. Sa sœur, Irone, avait essayé de lui faire perdre cette manie. À présent, sa sœur était morte, et tout ce qui lui restait d'elle était ses affaires et un mystérieux journal.

            D'un œil suspicieux, elle regardait la vieille couverture de cuir posée sur le bureau en face d'elle. Écrite dans une langue qu'elle ne connaissait pas, elle ne savait pas ce qu'il contenait. Apparemment, il avait appartenu à une certaine Amara. Une sombre inconnue, en somme.

            La vieille de son arrestation, sa sœur ainée avait déboulé, complètement paniquée dans sa chambre. Sa chevelure de feu, bien plus rebelle que la sienne, avait formé un halo enflammé autour de son visage en forme de cœur. Les Desrose avaient tout hérité de ce visage délicat, son frère et Ilyana ne faisaient pas exception.

            Irone lui avait alors demandé de s'asseoir et de l'écouter avec ouverture d'esprit.

            Elle avait alors sorti le journal de sous son pull.

            Elle lui avait expliqué qu'une fille dénommée Anna le lui avait donné. Que cette Anna l'avait récupéré chez la Princesse Era Eléazar, qu'il était important que personne ne le trouve.

            -Ily, je suis en très mauvaise posture. Je risque d'être arrêtée.

            -Arrêtée ? avait-elle crié.

            Le souvenir de la mort de son père était encore très vif dans son esprit.

            -Je ne peux pas t'en dire plus. Si jamais je venais à être prise, mieux vaut pour vous que vous ne soyez au courant de rien. Tu comprendras ce qu'il faut en temps voulu. Mais concernant ce carnet, nous n'avons plus le temps.

            -Qu'est-ce que c'est ?

            -Considère ce journal comme le bien le plus précieux qu'il n'est jamais eu sur Terre.

            Ilyana l'avait alors feuilleté, curieuse et effrayée.

            -Je ne comprends pas à ce qu'il y a écrit.

            -C'est normal, c'est une langue d'avant. Ily, tu dois me promettre de n'en parler à personne, de le cacher, et de le protéger coute que coute.

            Sa sœur avait pris ses mains dans les siennes pour les serrer avec force.

            -Le cacher ? C'est tout ?

            La jeune fille avait été elle-même la première surprise par son calme.

            -Oui, en attendant le jour où tu pourras le remettre à Era Eléazar. Seulement à elle, à personne d'autre, tu m'as bien comprise ?

            Ilyana s'était saisi du carnet et l'avait serré contre son cœur. Elle n'avait pas encore compris que c'était la dernière fois qu'elle voyait sa sœur.