"Do you believe in destiny ?"
Les yeux experts d'Alyzéa parcouraient mon corps avec une rapidité déconcertante. Elle piquait, ajustait et mesurait comme si elle avait fait ça toute sa vie. J'avais souvent eu l'occasion d'observer les couturières et domestiques de la Tour me confectionner des robes, mais aucune ne ressemblait à Alyzéa De Serra. Elle avait la beauté des grands nobles : une longue chevelure brune, saine et soyeuse, une peau douce et veloutée embaumée d'onguents parfumés. Mais ses mains, bien qu'agiles et fines, n'étaient pas celles d'une femme de haute naissance. Elle avait vraisemblablement travaillé le tissu toute sa vie.
Elle devait avoir environ la vingtaine, petite et menue, les iris noisette, je décelais dans son regard une douceur et une joie de vivre qui n'existait plus à la Tour depuis bien longtemps. Il aura fallu que je m'échappe pour que je la voie briller dans les yeux d'un être humain.
-Pourquoi est-ce vous qui m'habillez, Alyzéa ? Je vous ai pourtant vu dans les termes royaux, et le Prince Adem Viviana semblait plutôt bien vous connaitre.
Elle rougit, mais ne se laissa pas déstabiliser.
-Mon père était le tailleur officiel du royaume, m'expliqua-t-elle de sa voix calme et posée. Il était doué, réputé et s'occupait exclusivement de confectionner les vêtements de chaque membre de la famille royale. Je savais à peine marcher lorsqu'il m'a mis un bout de tissus et une aiguille entre les mains. (Elle sourit, comme si elle se remémorait un souvenir.) J'ai appris vite. Mon père disait que j'étais déjà douée. Je suis tombée amoureuse du métier de mon père, et j'ai travaillé sans relâche pour pouvoir le seconder. Ma famille n'était pas pauvre, loin de là, nous vivions au Palais de Saphir, mais nous restions des roturiers. Je pensais ma vie toute tracée, mais les choses ne se sont pas passées exactement comme je le pensais...
-Vous avez rencontré Adem, finis-je à sa place.
Elle hocha la tête, tout en serrant ma robe autour de ma taille.
-Oui, j'ai rencontré Adem. Nous... Nous sommes tombés amoureux. (Elle croisa mon regard dans le miroir.) Il a rencontré mon père, et lui a proposé de rejoindre le groupe restreint des conseillers de la Reine Erel Viviana. Mon père a accepté, la politique l'avait toujours passionné.
-Puis la Reine Saef Viviana a permis à votre père de continuer à la conseiller et vous voilà maintenant fille d'un conseiller royal, et propulsée parmi les hauts dignitaires Saphirs.
Elle eut un petit rire.
-C'est à peu près ça.
-Mais vous continuez d'habiller les gens.
Ses yeux pétillèrent.
-On n'arrête jamais quelque chose pour laquelle on est passionnée.
-N'est-ce pas rabaissant pour vous à présent ? Je n'émets aucun jugement, je suis juste... curieuse.
Le comportement d'Alyzéa me sidérait. Elle avait eu accès à la noblesse Saphir et continuait toujours de travailler comme elle l'avait fait auparavant. Elle pourrait se parer de mille bijoux, se promener au bras du prince, et se languir du soleil Saphir. Pourtant, elle était là, sérieuse et grave, à ajuster une robe pour une étrangère. Une étrangère qui venait de la Tour d'Ivoire qui plus est.
-Il n'y a rien de rabaissant à confectionner une robe pour quelqu'un que l'on admire.
Je clignai plusieurs fois des yeux, interdite.
VOUS LISEZ
La Tour d'Ivoire - Tome 3
Science FictionAlors qu'elle s'apprête à découvrir la tristement célèbre Nation de Rubis, Era n'a qu'une idée en tête : protéger les siens et empêcher son cœur de mettre le monde en danger. Attiré par ses yeux rouges sang semblables à ceux de son peuple et par le...