La Tour d'Ivoire - Tome 3

Disparition

" Ton ombre me protégeait, me permettait d'être qui je voulais, puis tu as disparu, et le soleil m'a frappé de son éclat aveuglant. C'est à ce moment-là que j'ai compris que tu souffrais de sa brûlure pour me protéger depuis tout ce temps."

MM

Gabriel

Il avait du mal à y croire. Comment avait-il pu faire ça ? Ils étaient en pleine guerre, surement la dernière que leur peuple mènerait, et que trouvait-il de malin à faire ?

Gabriel renversa d'un geste rageur tout ce qui était disposé sur son bureau.

-Gabriel, ça ne sert à rien de t'énerver, lança Elvira.

Il se mit à rire.

Comment pouvait-il ne pas s'énerver ?

Une lettre. Une maudite et stupide lettre. Voilà tout ce que Seth, leur roi, leur avait laissé.

Quatre phrases. Rien de plus.

Une seule personne peut nous venir en aide, et je suis le seul responsable de ce qui est arrivé. Je reviendrai. En attendant, mon frère, Gabriel, je te nomme à la tête de notre Nation.

Seth Sarkis, roi d'Émeraude

-Il a fait un choix, Gabriel, tenta de l'apaiser Elvira. Tu dois le respecter. Il a toujours été là pour nous. À présent, c'est à nous de l'être pour lui. Tu es notre chef, à présent. Jusqu'à son retour, tu as le devoir de nous guider.

-Je n'ai jamais voulu cela.

-Lui non plus. Mais il l'a toujours fait.

-Il nous a abandonnés, cracha Gabriel, acerbe.

Il savait bien que ce comportement ne lui ressemblait pas. Mais depuis la mort de leur mère, depuis ce qui s'était arrivé à Lévana, il avait changé. Et maintenant voilà qu'il se retrouvait à la tête d'une armée en perdition.

-Tu sais très bien, au fond de toi, qu'il a pris la bonne décision.

Elvira disait vrai.

La colère de Gabriel à l'encontre de Lévana s'était depuis longtemps apaisée. Il en avait même voulu à son frère de l'avoir laissé partir. Elina et lui souhaitaient plus que tout retrouver la jeune fille.

Et voilà que Seth était parti. Seul.

-Il n'y arrivera jamais... souffla Gabriel.

-Peut-être, mais c'est sa décision, son choix. Il ne nous revient pas de le critiquer. Il est notre roi, Gab. S'il estime que c'est ce qu'il faut faire, alors je lui fais confiance.

-Serais-tu partie, toi ?

Elvira fut surprise par sa question. Gabriel ne le fut pas de sa réponse.

-Non, mais je n'ai jamais été reine non plus. En revanche, je sais que tu aurais agi comme lui. Je me trompe ?

-Tu as surement raison...

-Gabriel, l'issu de cette guerre ne dépend plus de Seth. Il a fait ce qu'il a pu. Les Nations n'ont pas répondu à notre appel. Il nous reste plus que le combat, et sur ce coup-là, c'est Néhora et Raphael qui gèrent. Seth nous connait, on le connait aussi. Nous avons toujours tous été sur la même longueur d'onde. Nous nous étions déjà mis d'accord sur la marche à suivre pour cette guerre, je préfère savoir notre roi loin lorsque nous tomberons pour de bon.

-Tu préfères le savoir aux mains des Ivoiriens ?

-Je préfère qu'il meure en paix avec lui-même.

Gabriel secoua la tête.

-Toi qui es si droite, loyale, et rigoureuse, fit Gabriel, je ne comprends pas que tu puisses le défendre ainsi.

Elvira se redressa fièrement, dardant sur lui des yeux brillants.

-Il a osé faire ce que je n'ai jamais eu le courage d'accomplir. Alors oui, je le défends, et je l'admire pour ça.

Gabriel voyait très bien où Elvira voulait en venir. Il n'insista pas. Il y a des blessures qui n'avaient pas besoin d'être réouvertes.

Elvira posa une main réconfortante sur son épaule.

-Je te fais entièrement confiance, Gabriel Sarkis. J'ai servi ton frère, je l'aurai suivi jusqu'au tréfonds des enfers. Je te servirai avec autant de dévotion. Votre famille représente justice et bonté au beau milieu d'un monde cruel et sans pitié.

Il posa sa main sur celle de son amie.

-Je te remercie, El.

Elle hocha la tête.

-Mène-nous avec sagesse.

-Je le ferai.