L'enfant perdu - Partie II

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« Regarde les étoiles. Regarde les, contemple leur beauté majestueuse, contemple les jusqu'à ce que tes yeux s'éteignent à jamais. »

MM

Elina

Sa voix était grave, presque enrouée, mais elle semblait résonner dans la pièce entière.

-On murmure beaucoup de choses sur la Princesse Émeraude, continua-t-elle.

-Les murmures sont portés par le vent, la vérité est, quant à elle, aussi solide que l'acier.

La femme sourit.

-Nous sommes d'accord là-dessus.

-Que faites-vous ici, dans mes appartements ? Dans ce Palais ?

La femme ne bougeait pas. Aussi immobile qu'une statue, Elina n'avait même pas l'impression qu'elle respirait.

Comme l'aurait été un spectre dans le monde des vivants, l'espionne de la Nation d'Émeraude avait la certitude que cette femme n'avait pas sa place ici.

-Je suis venue vous parler. Et vous mettre en garde. Vous, et les vôtres.

-Me mettre en garde ?

Elina haussa un sourcil. Elle n'avait d'ordre à recevoir de personne mis à part de sa reine et de ses princes. Pourtant, la femme semblait tout à fait sérieuse.

-En effet. Vous vous mêlez de choses qui ne vous regardent pas. D'autres ont commis la même erreur par le passé, et ils en ont payé le prix.

-Qui êtes-vous ?

Ses yeux brillèrent plus intensément.

-Je suis de ceux qui savent.

-Vous n'avez pas de nom ? s'impatienta Elina.

Cette femme commençait sérieusement à l'agacer.

-Peu importe mon nom, ou d'où je viens, ce qui importe c'est le message que j'ai à vous délivrer.

-Qui est de me menacer.

-Des puissances plus grandes que nous sont à l'œuvre en ce moment même, Elina Sarkis. Des puissances qui murmurent votre nom, celui de votre prince héritier , des Joyaux d'Émeraude et de la fille qui ment.

-La fille qui ment ?

Elle sourit d'un air féroce.

-Lévana Sildek porte de nombreux noms, mais c'est incontestablement celui qui la définit le mieux.

Elina ne comprenait rien à cette discussion. Mais toutes les informations que cette folle lui apporterait pourraient être intéressantes. Même si elle commençait à en douter...

-Nous vous surveillons depuis longtemps déjà, continua la femme. Si vous êtes en vie, c'est parce que nous vous le permettons. Ne venez pas vous mettre au travers de notre chemin et de celui que les puissances de ce monde ont tracé il y a des millénaires. Certaines choses doivent arriver.

-Vous parlez de...

-Tu sais de quoi je veux parler, Elina Sarkis. Rien n'arrive par hasard. Tout a été calculé il y a longtemps déjà.

-Quel est votre but ?

-Le même qu'il y a deux mille ans. Je le répète, Princesse, si vous voulez vivre, ne cherchez plus à comprendre. Laissez faire les choses.

Elle se dirigea lentement vers la porte de sa chambre, comme si elle y avait été invitée.

-Une chose encore... Pour le bien du monde, ne faites jamais en sorte que Lévana Sildek possède un quelconque pouvoir.

-Vous ne savez rien de nous ni d'elle.

-Détrompez-vous, ma chère. Vous ne le savez pas encore, mais à l'instant où nous parlons la Nation de Diamant a attaqué celle d'Émeraude, déjà bien affaibli par des bombardements de la Tour d'Ivoire. Il ne reste rien de la capitale étincelante ni de la confiance que vos amis portaient en Lévana Sildek.

Devant l'air atterré d'Elina, la femme ajouta :

-Je sais tout ce qu'il y a savoir, jeune fille. Et plus encore.

Sans un mot de plus, elle se dirigea vers la fenêtre de la chambre d'Elina qui donnait sur les toits.

-Vous ne pourrez pas quitter le Palais comme cela, l'interpella encore Elina. Vous allez vous faire arrêter, vous le savez.

La femme rit.

-Oh j'en doute !

-Je pourrai vous empêcher de quitter ce Palais, insista Elina.

Ses yeux étincelèrent.

-Si vous voulez que vos amis vivent, je vous le déconseille.

Avec une grâce qui étonna Elina, la femme sauta sur les toits et disparut, la plantant là. La jeune femme ne chercha pas à la rattraper, elle savait, même si elle ne pouvait pas l'expliquer, qu'elle lui échapperait.

Elina se dirigea vers son bureau, décidée à envoyer une lettre à Seth pour qu'il lui confirme ou non les dire de cette sorcière. Elle passa devant son lit lorsqu'elle y trouva un fin tissu blanc brodé d'un symbole. Son cœur se mit à battre la chamade lorsqu'elle le reconnut.

Quatre étoiles disposées aux quatre points cardinaux, et au centre, une fleur perdant un de ses pétales.

Elina avait déjà vu ce symbole, sur la lettre, retrouvée sur son lit, qui avait prouvé la culpabilité de Sogar Viviana dans l'assassinat de ses parents et la conspiration envers Saef.

Elle venait tout juste de rencontrer son propriétaire.

Pourquoi donc cette femme, qui semblait se méfier d'Elina, l'avait-elle aidé à arrêter Sogar ? Et quelle était l'organisation à laquelle cette femme appartenait ? Il fallait absolument qu'elle en parle à Seth et aux autres. Il semblait qu'ils avaient un nouvel ennemi à combattre...

Et que dire des révélations qu'elle lui avait faites ?

Les mains moites et le cœur au bord des lèvres, elle quitta sa chambre d'un pas lourd. Saef et ses dignitaires en savaient déjà surement plus qu'elle.

Elle espérait de toutes ses forces que la femme avait menti, mais une étrange voix cauchemaresque dans sa tête lui soufflait qu'il n'en fût rien.

Lorsqu'elle retourna le tissu, elle s'arrêta net dans le couloir.

La vieille femme lui avait laissé un message, plus qu'une mise en garde.

Un frisson d'horreur la parcourut. Et avant qu'elle ne s'en rende compte, elle était en train de courir dans les couloirs du Palais. Seul Saef était en mesure de l'aider. Elle seule pouvait prévenir la Nation d'Émeraude assez rapidement.

Alors qu'elle dévalait le grand escalier de marbre, la phrase brodée de fil rouge tournait en boucle dans sa tête :

Longue vie au roi.

Cette phrase ne pouvait signifiait qu'une chose... La Reine Siora Sarkis était en danger de mort et Elina était la seule à pouvoir encore la sauver.

Mais alors qu'elle arrivait devant les appartements privés de la Reine Saphir, il lui semblait que la vieille femme lui murmurait à l'oreille : trop tard.

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant