La mort du passé

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« if I die, don't cry, look at the sky and say goodbye. »

Auteur Inconnu

Gabriel

            La lettre d'Elina dans une main, son épée de l'autre, il courait dans le Palais d'Émeraude, les soldats de la garde royale le talonnaient.

            La lettre, provenant de la Nation de Saphir, venait à peine de lui arriver. Et avant même d'avoir fini de la lire, il s'était précipité vers les appartements royaux.

            Le Palais d'Émeraude était vaste, il savait que le temps était compté. Il savait qu'il y avait un risque que cela soit trop tard.

            Son cœur martelait dans sa poitrine, son souffle devenait laborieux. La peur prenait le pas sur lui.

            Lorsqu'il arriva devant les appartements privés de sa mère, il n'hésita pas une seule seconde. Il défonça la porte d'un seul coup d'épaule.

            L'odeur du sang imprégna aussitôt ses narines.

            Trop tard. Trop tard. Trop tard.

            Les soldats se déversèrent dans la pièce, tentant vainement de venir au secours de leur reine.

            Elle gisait là, sur un des tapis auparavant couleur émeraude. La gorge tranchée. Le sang poissait déjà complètement le tissu.

            Gabriel tomba à genoux.

            Une servante était penchée sur elle, la main sur la bouche, les joues ruisselantes de larmes. Elle hurlait.

            Gabriel ne savait pas ce qui se passait. Où était-il ? Que faisait sa mère allonger ?

            Son esprit embrumé était incapable de réfléchir. Il se sentait comme anesthésié. Les gardes attendaient des ordres, il le savait. Il ne pouvait détacher les yeux du corps si frêle de sa mère.

            Soudain, il entendit du bruit derrière lui. Puis un cri.

            Elvira passa devant lui en courant, se laissa tomber à côté de la Reine et prit son pouls.

            Puis ses yeux de glace se retournèrent vers lui.

            Elle pleurait. Il avait rarement vu un Diamant pleurer. Il n'avait jamais vu Elvira pleurer.

            Les yeux froids de son amie étaient si profondément meurtris qu'il sentit quelque chose remuer en lui. Il ferma les yeux.

            Il sentit des mains sur ses joues. On lui parlait. Une femme. Elvira.

            Il rouvrit les yeux.

            -Gabriel... Gab, je t'en supplie, écoute-moi. Aidez-moi à le relever, cria-t-elle aux gardes autour d'eux.

            -Cette femme était-elle là lorsque vous êtes arrivés ? demanda Elvira en avisant la domestique, toujours en train de pleurer.

            -Oui, Madame, elle était là.

            -Envoyez vos hommes fouiller le Palais. Laissez-en deux ici.

            Elvira prit violemment la domestique par le bras, la releva et l'éloigna du corps.

            -Dites-nous ce que vous avez vu. Allez, dépêchez-vous, le meurtrier est peut-être encore dans le Palais !

            -Je ... je ne sais pas... il ... il... il y avait cette personne.

            -Qui ça ?

            -Un homme, une femme, je ne sais pas... il ou elle voulait voir la reine.

            -Je confirme ses dires, Madame, fit un garde. Quelqu'un a demandé à voir la Reine Siora. La Reine était alors dans la salle du trône.

            Ce fut comme une décharge électrique. Gabriel regarda le garde.

            -Pourquoi n'a-t-elle pas reçu cette personne dans la salle du trône, justement ? demanda-t-il, reprenant contenance.

            Elvira lui lança un regard, l'air soulagé.

            -Je l'ignore, Mon Prince, fit le garde en secouant la tête. La personne a demandé à voir la Reine Siora en privé. Ses conseillers l'ont averti du danger, mais la Reine... elle semblait connaitre cette personne, elle a accepté sa demande.

            -La reine a ensuite expressément demandé que personne ne soit dans ses appartements, ajouta la domestique. Ni domestiques ni gardes.

            -C'est stupide ! explosa Gabriel. Jamais ma mère n'aurait pris un tel risque !

            -Je crois, Mon Prince, si je puis me le permettre, reprit le garde, que votre mère voulait savoir quelque chose concernant cette personne. Elle était curieuse.

            -Vous n'avez vu personne sortir des appartements ? demanda-t-il.

            Le garde secoua la tête.

            -Les fenêtres, souffla Elvira.

            Elles étaient souvent ouvertes, comme sa mère aimait la fraicheur, elles les fermaient rarement.

            -Envoyez des centaines de soldats fouiller le Palais, les Jardins, la ville, les bois et tout le périmètre aux alentours, ordonna Gabriel aux gardes. Envoyez également une missive à Néhora et Seth. Quant à Elina, elle sera de toute façon bientôt là, elle est d'ores et déjà en route...

            Il n'avait pas encore réalisé. Il ne devait pas. Il ne devait pas regarder le corps de sa mère. Ne devait pas y penser. Surtout ne pas y penser. Sinon, il s'écroulerait. Et il n'avait pas le droit. En l'absence de son frère, c'était à lui de diriger le Palais et le village et de protéger les milliers de personnes qui y vivaient. Il s'écroulera, il pleurera, il hurlera. Plus tard. Plus tard.

            Il sortit de la pièce sans un regard en arrière, ignorant Elvira qui l'appelait.


Longue vie au roi.

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant