L'Héritier du monde

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"Le voilà tombé du ciel, Astre brillant, fils de l'aurore !"

Esaïe 14:12 - La Bible

Ouvrir les yeux fut une souffrance, tout comme respirer et bouger mes lèvres. La chambre était plongée dans la pénombre, tant mieux, mes yeux n'auraient pas supporté une quelconque source de lumière trop vive. Mon esprit encore embrumé essayait de comprendre, de retrouver les pièces du puzzle qui m'avaient conduit ici, sur ce lit, incapable du moindre mouvement.

            Tant bien que mal, j'essayai de me redresser, mais c'était peine perdue, mon corps ne m'obéissait plus. Quel effrayant constat. Je n'étais plus maître de moi-même.

            Je m'étais crue seule, j'avais tort.

            Une ombre bougea soudain à ma gauche, puis une petite lampe fut allumée, me permettant d'apercevoir le visage blême d'Ayaan à quelques mètres de moi. Assis sur un des lourds fauteuils noirs de notre chambre, il me regardait avec froideur. Si je n'étais pas intimement persuadée qu'il souhaitait me voir vivre, j'aurais tout à fait pu croire qu'il était sur le point de m'assassiner. Et il aurait pu. Son père l'aurait félicité et ensemble, ils auraient trouvé une excuse pour expliquer ma mort au peuple. Je n'étais rien, personne, finalement. Juste une fille trop imprudente, qui avait cru pouvoir jouer dans la cour des grands et en ressortir immaculée.

            Les questions se bousculaient dans ma tête. Que m'était-il donc arrivé ? Comment allait mon enfant ? Cette dernière question, je ne pouvais décemment pas la poser à Ayaan, ce qui rendait la situation encore plus oppressante.

            -Que s'est-il passé ? réussis-je à articuler, d'une voix enrouée.

            Étonnement, mes cordes vocales n'avaient pas été trop atteintes.

            -Tu as été empoisonné, répondit sèchement Ayaan.

            -Empoisonné ?

            Sans que je puisse me retenir, mes mains se posèrent sur mon ventre. Et la mine horrifiée que je dus afficher du me trahir.

            Et Ayaan fixa le moindre de mes mouvements, et se figea.

            -Ainsi, tu savais, souffla-t-il simplement.

            Ces trois mots claquèrent avec morgue dans la salle. Ils sonnèrent à la fois comme une accusation, un constat dénué d'émotion, et de la déception.     

            -Est-il en vie ? insistai-je, comprenant que d'une manière ou d'une autre, Ayaan savait.

            -Oui, finit par dire Ayaan. L'enfant est en vie, et pas grâce à toi.

            Il se leva.

            -L'enfant a failli mourir. Si tu l'avais dit, Era, si tu m'avais dit que tu étais enceinte, nous aurions agi plus vite et nous aurions directement visé les veines te liant au bébé. Ces précieuses secondes ont failli lui faire perdre la vie. Lorsque tu as perdu connaissance, il a fallu attendre que les médecins arrivent, comprennent ce qui t'arrivait, identifient le poison, et le pompent entièrement de tes veines et de ton corps. C'est en faisant des tests qu'ils ont remarqué que tu étais enceinte, et moi-même par la même occasion. Une minute, Era, une minute de plus et ton enfant et toi seriez morts. Par ta bêtise.

            L'horreur de la situation se fit peu à peu un chemin jusqu'à mon cerveau. Mais pour l'instant, je n'avais que la rage, la rage contre Ayaan.

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant