l'aube de la guerre

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« Oser, c'est perdre pied
momentanément.
Ne pas oser, c'est
se perdre soi-même. »

Sören Kierkegaard

-Donc, tu es entrain de dire que Constantin t'a avoué que lui et sa sœur ont assassiné leur parent pour accéder au trône ? fit calmement Seth. Bon... ce n'est malheureusement pas une surprise, nous nous doutions qu'ils avaient un lien avec leur mort, mais le dire tout haut est très dangereux, même pour le chef des armées.

            Myriam, qui était assise contre le mur du fond s'avança lentement pour venir s'asseoir dans un des canapés face à Seth.

            Nous étions dans nos appartements, il nous avait semblé plus prudent de discuter de tout ça ici plutôt que dans les jardins.

            -Ça ne m'étonne pas de Constantin et Dana, dit-elle d'un ton froid. Ils sont prêts à tout pour arriver à leur fin.

            Clara était pâle comme un linge. Les mains serrées entre ses genoux, elle gardait les yeux résolument baissés.

            Quant à ma grand-mère, elle observait l'extérieur par la baie vitrée d'un air concentré. Elle n'avait pas dit le moindre mot depuis le début de la conversation.

            -Constantin m'a également proposé de l'épouser, ajoutai-je sur le ton de la conversation.

            Une bombe n'aurait pas pu avoir meilleur effet.

            Seth bondit. Ma grand-mère se retourna vivement, la stupéfaction peinte sur son visage.

            Mais c'était Myriam que j'observais. Bien droite, elle me regardait sans ciller. Mais j'avais l'habitude de repérer les moindres détails sur un visage. Je vis la crispation de sa mâchoire, le tic au-dessus de son œil gauche. Elle essayait de garder contenance, mais cette information l'avait troublé, bien plus qu'elle voulait bien le montrer.

            -Rien d'étonnant là-dessus, répondit Myriam. Constantin n'est qu'un opportuniste. Et tu représentes actuellement la meilleure source de pouvoir.

            -C'est un affront, persifla Seth. Il est de notoriété commune que Lévana est ma promise.

            -C'est calculé, expliqua Violette sans quitter sa place. Il cherche la guerre. Et te voler ta fiancée en est un moyen. Combien de conflits ont débuté à cause d'une femme et de deux hommes qui se battent pour elle ?

            Elle fit une brève révérence à l'attention de Seth.

            -Si je peux me permettre, mon Prince, continua-t-elle, je vous conseille de ne pas répondre à cet affront.

            -Je ne comptais pas répondre, répondit Seth en secouant la tête. Je suis assez lucide pour lire en Constantin. Je ne serai pas celui qui déclenchera la guerre. Qu'il prenne lui-même cette responsabilité.

            -Il la prendra, fit Myriam. Et il n'aura aucun remords. Il n'a aucune morale, aucun sens de la bonté et de la justice.

            -Je suis d'accord avec Myriam, dis-je en la regardant. Je lui ai parlé. Il m'a dit ce qui le motivait. Il est dangereux. Nous devons quitter cet endroit le plus vite possible.

            -Elle a raison, m'appuya Violette. Fuyons tant que nous le pouvons encore.

            Seth soupira.

            -Malheureusement, nous ne pouvons pas partir. Avec cette maudite loi, Constantin a un droit sur Lévana, et si nous refusions de lui accorder ce qu'il désire, il aura enfin une occasion de déclarer la guerre.

            -Alors, déclarons cette guerre, Seth ! s'exclama Myriam en se levant. Débarrassons-nous d'eux une bonne fois pour toutes.

            -Les conséquences seraient dramatiques, Myriam, fit froidement remarquer Seth. Nous aurions à combattre les Rubis et les Diamants, nous ne ferions pas le poids.

            -Et si les autres Nations s'alliaient à nous ? proposai-je.

            -Quand bien même elles acceptaient, cela nous prendrait trop de temps. Ils auraient le temps de détruire la moitié de notre Nation.

            -Nous n'avons pas le choix, Seth, grinça Myriam.

            -Si nous l'avons, contra-t-il. Toujours. Si nous déclarons la guerre à la Nation de Rubis, nous serons vulnérables, surtout que nous pouvons ajouter la Tour d'Ivoire à nos ennemis. Nous ne pouvons prendre ce risque. Trop d'innocents mourraient.

            J'échangeai un bref regard avec ma grand-mère. Si mon identité était révélée, Constantin et les Rubis n'auraient plus aucun droit sur moi. J'étais une Eléazar, aux yeux violets, une fille d'ivoire et du ciel, et non une Rubis aux yeux pourpre.

            Nous pourrions tous repartir... mais à quel prix ?

            Ma grand-mère fronça les sourcils. Et je sus le message qu'elle voulait me faire passer : n'y pense même pas.

            Seth avait tort. Parfois on n'avait pas le choix.

            Soit nous restons ici, trop près du danger, de la mort et de Constantin Saren.. Soit nous repartons, et la guerre se déchainerait sur le monde. Mais si je révélais mon identité, Constantin n'aurait plus aucun pouvoir sur nous.

            Pour me protéger de la Tour, Seth avait pris un trop gros risque. Il avait pensé que personne ne soupçonnerait le fait qu'on me cacherait en Nation de Rubis, seulement, il mettait sa vie et celle de ses amis en jeu. Pour moi. Cela ne pouvait plus continuer.

            -Je pense que nous devrions tout de même partir.

            Je ne reconnus pas ma voix. Elle était dénuée de vie.

            Seth se tourna avec étonnement vers moi.

            -Mais Lévana, les risques...

            -Les risques sont de toute façon grands, le coupai-je. Dans tous les cas. Les Rubis vont trouver n'importe quel moyen de nous déclarer la guerre, autant que nous sachions comment, que nous décidions de la date.

            -Je ne suis pas d'accord, fit Violette en me fixant du regard. C'est stupide.

            -Ce n'est pas stupide, répondis-je, nous avons brouillé les pistes pour la Tour. Il est maintenant tant de retourner en Nation d'Émeraude, où les Diamants sont déjà sur le point de nous déclarer la guerre. Retournons chez nous, allons protéger les nôtres.

            -Constantin doit comprendre que nous ne sommes pas à son service, ajouta Myriam, que nous n'avons pas peur de lui.

            Seth soupira.

            -Je vais y réfléchir...

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant