La Tour d'Ivoire - Tome 3

Silence

"Et dans mon éternité à avenir, je ne regrettais ni les lieux, ni les odeurs, ni les plaisirs, je ne voyais que les visages de ceux que j'avais abandonné."

MM

Evarion

         L'explosion retentit.

         Il ferma les yeux.

         Evarion repensa aux visages des jeunes Souffleurs de Rêves qu'il avait côtoyés pendant des mois. Ces jeunes gens pleins de courage, de forces et de rêves. Prêts à tout à sauver Era Eléazar, ils avaient fait don de leur propre vie. Il ressentit leur mort dans sa propre chair.

         Trop de morts. Il avait vu trop de morts. Perdu tant d'être cher.

         Il ne lui restait presque plus personne. Tous étaient soit morts, soit loin.

         Il ne reverrait jamais son amie, Maria. Mais au moins savait-il qu'elle était en sécurité, heureuse peut-être, En Bas, et que bientôt elle retrouverait sa fille.

         Il déglutit.

         Il n'avait pas eu le courage de dire à Era la vérité sur ses origines. Maria lui avait fait jurer de ne jamais rien dire. Sans compter les menaces d'Azel et d'Ayaan qui planaient sur lui. En dehors de la famille royale, lui seul avait été au courant de la vérité sur la naissance de la Princesse d'Ivoire. Il avait été, à l'époque, mis dans la confidence et tenu de se taire jusqu'à la fin de ses jours.

         Evarion regarda l'arme posée devant lui.

         Il consulta sa montre.

         À l'heure qu'il était, l'avion devait déjà être loin. Et Era sauve. Hélios pourrait grandir dans un monde différent, meilleur, il l'espérait.

         Quant à lui, son aventure s'achevait ici. Dans son cabinet. Là où tout avait commencé. Là où un beau jour d'avril, Maria et Azel avaient débarqué, lui confiant le secret le plus gardé de la Tour. Ce jour-là, sa vie avait basculé. Ce jour-là, il avait rencontré Maria Eléazar. Elle avait changé sa vision des choses. Et très rapidement, il avait intégré les Souffleurs de Rêves, et lorsque Maria avait fini par chuter définitivement, quelques années plus tard, il avait sombré avec elle. Elle avait été bannie, lui mis sous tutelle, trop nécessaire pour être tué, il était devenu le laquais des Quatre Familles.

         À présent, il ne serait plus l'esclave de personne.

         Dans quelques instants, il serait à nouveau libre. Il allait retrouver Irone, ses parents, son frère, et ses frères et sœurs Souffleurs de Rêves.

         J'ai fait ce que tu m'as demandé de faire, Maria, pensa-t-il, à présent, à toi de sauver ta fille.

         Il se saisit du revolver et le posa sur sa tempe.

         Le secret de la destination d'Era et des siens mourra avec lui.

         -Pour Amara, souffla-t-il.

         Il appuya sur la détente.