La flamme d'ivoire

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« Et lorsque le passé revint me rendre visite, je ne le reconnus pas. Trop captivée par la lumière, je ne vis pas l'ombre qui guettait mes pas. »

MM

            J'avais passé l'après-midi à attendre dans ma chambre. Ou notre chambre, devrais-je plutôt dire. D'un côté, j'en étais contente, je n'avais pas à revoir tous les visages de ceux que j'avais fuis, mais d'un autre côté, cela me laissait plus de temps pour réfléchir. Et réfléchir me causait plus de souffrance qu'autre chose. Je revoyais en boucle le visage dégouté de Seth, regards sous le choc des sœurs Devon. Je repensais à la trahison d'Iris, à Amidror en flamme, et à la guerre qui faisait surement déjà rage dehors. Je ne pouvais m'enlever l'idée que tout ceci était mon œuvre, que j'étais responsable de tous les malheurs qui s'étaient récemment abattus sur le monde.

Être seule dans cette chambre ne me laissait pas d'autre choix que de me souvenir, de pleurer ce que j'avais perdu. L'amour de Seth était ce que je regrettais le plus cruellement. Élevée comme je l'avais été, je n'avais jamais osé espérer tomber amoureuse, épouser un homme que j'aimais vraiment ou bien passer le restant de mes jours libre et heureuse avec quelqu'un à mes côtés. Dans mon esprit, c'était sois me marier dans la Tour et finir mes jours ici, prisonnière, triste et finalement, désespérément seule, ou alors partir, fuir, et gouter à la liberté en tirant une croix sur une possible vie de famille. En acceptant la proposition d'Arianna de m'enfuir, jamais je n'aurais pensé que j'aurais la possibilité de tout avoir. L'amour et la liberté. Cela me semblait deux notions impossibles à accorder, impossible à vivre, tout simplement. Cela faisait bien longtemps que j'avais fait une croix sur l'un et l'autre, et voilà que tout m'était possiblement donné, et j'avais finalement tout perdu. Par ma faute.

Cependant, je ne regrettais pas, je savais quelles raisons m'avaient poussé à appuyer sur ce bouton qui m'avait permis de contacter Ayaan, et j'étais persuadée d'avoir pris la bonne décision. Je devais protéger Seth et les autres, le monde d'En Bas, je devais comprendre le passé, et seule la Tour pouvait m'apporter les dernières réponses à l'énigme des Créateurs.

Assise sur un lourd fauteuil de velours noir, les jambes serrées contre ma poitrine, je fixais le vide, laissant mon esprit me torturer encore et encore. J'aurais pu continuer ainsi des heures durant si Ayaan n'avait pas débarqué dans la chambre d'un pas assuré.

Levant les yeux vers lui, je ne fis pas mine de me lever. Je savais bien que je devais faire peine à voir, assise seule dans ce fauteuil, les yeux vides.

Le Prince de la Tour d'Ivoire me détailla longuement sans un mot, je ne pris même pas la peine d'essayer de lire sur son visage une quelconque émotion.

Puis il finit par s'asseoir sur le fauteuil en face de moi, déposant au passage une boite à bijoux qui ne m'était pas inconnue sur la table basse. Il s'agissait de ma boite à bijoux.

Je levai un sourcil interrogateur.

-J'aimerais que tu les portes à nouveau, expliqua-t-il avec un bref mouvement de tête vers le petit coffre.

Sans lui répondre, je me penchai et ouvris la boite. Ma bague de mariée, le collier des Eléazar, et un bracelet et une bague que je portais tous les jours. Tout ce qui avait toujours fait partie de moi, avant ma fuite, avant que je devienne une autre. Avant Lévana Sildek. Avant Seth Sarkis.

Je repoussai la boite d'un air ennuyé.

-Pourquoi ?

Ayaan me scruta calmement.

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant