La Tour d'Ivoire - Tome 3

Dernier souffle - Partie I

"Et le vent souffla, emportant avec lui les derniers rêves de l'humanité."

MM

            Evarion semblait calme, maitrisé. Tout le contraire d'Ilyana. La jeune femme au tempérament en acier trempé se rongeait les sangs. Assise sur le rebord de la fenêtre, les genoux repliés contre sa poitrine, elle gardait obstinément son poing serré contre sa bouche, chose qu'elle faisait souvent lorsqu'elle réfléchissait.

Cela faisait deux semaines que Galaad m'avait appris la présence de Seth dans les prisons de la Tour, et deux semaines qu'Evarion s'employait à trouver un moyen de me faire sortir de la Tour.

-Alors, comme ça, tous les Souffleurs de Rêves n'ont pas péri ? demandai-je, encore surprise.

Galaad avait discrètement brouillé les micros de la chambre d'Hélios, nous permettant de discuter sans risquer de nous faire prendre.

Evarion secoua la tête.

-Non, mais ils sont très peu encore en vie. Tous ont entre 15 et 30 ans, et tous vous sont entièrement dévoués.

La dévotion. Je n'aimais pas ce mot ni la mort qu'il laissait dans son sillage.

-Vous avez trouvé une solution pour me faire sortir de là, c'est ça ? demandai-je, soudain peu désireuse d'en savoir plus sur les Souffleurs de Rêves. C'est pour ça que vous nous avez réunis aujourd'hui, Ilyana et moi ?

Il hocha la tête.

-Oui. Ma présence, en tant que votre médecin personnel et celui d'Hélios ne choqueront personne. Et Ilyana est ta suivante favorite.

-En effet, continuai-je, nous passons la majeure partie de notre temps ensemble.

Je jetai un œil à la jeune fille, mais elle était trop concentrée à fixer ses pieds pour s'en rendre compte. À mesure que les jours passaient, lents et immobiles, elle devenait de plus en plus agitée. Je la comprenais, mais contrairement à elle, je commençais à avoir l'habitude du danger et de la peur. Mais je m'inquiétais pour elle. Durant ces quelques semaines, Ilyana était devenue une amie précieuse. Tout en m'aidant avec Hélios, elle m'apportait de la force, parce que je savais que nous étions dans le même camp, qu'elle aspirait à la même chose que moi. Lorsque j'avais accepté l'aide d'Evarion, il en avait aussitôt informé Ilyana. Le sourire qu'elle m'avait lancé la première fois qu'elle m'avait revue après que j'avais pris cette décision était éclatant d'espoir. Depuis, elle ne me quittait plus.

-Je ne pourrai malheureusement pas tout vous dire, Majesté... soupira Evarion.

-Et pourquoi cela ? demandai-je en haussant un sourcil.

-Moins vous en saurez, mieux ce sera... Crois-moi. Je sais que c'est dur à demander, d'autant plus que nous nous connaissons depuis peu, mais faites-moi confiance.

Il avait raison, mais le fait que ma grand-mère ait mis sa vie entre ses mains m'encourageait à le croire.

-Je vous fais confiance, Evarion. Mais vous comprenez que je n'aime pas le fait de ne pas savoir ce qui va se passer. Ilyana est-elle au moins au courant ?

Il grimaça.

-Oui je suis déjà au courant, répondit la jeune femme, et je pense que c'est du pur suicide.

Elle fusilla Evarion du regard.

-C'est censé me rassurer ? m'exclamai-je, en dévisageant Evarion, les yeux écarquillés.