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Il y a quelque chose de très, très marrant dans comment la vie fonctionne. 

C'est comme un engrenage infernal dans lequel vous êtes plongé dès votre conception, une série de réactions chimiques et physiologiques qui se succèdent ; et étrangement, mettez un grain de sable dans l'engrenage, elle ne s'arrête pas. Elle dysfonctionne seulement. La machinerie continue à tourner, mais elle tourne plus lentement, plus difficilement, moins efficacement, avec des pièces qui tombent les unes après les autres. Mais elle continue à tourner, jusqu'à épuisement total et complet du système. Nous sommes faits pour nous battre. C'est dans notre nature, c'est dans nos gènes, nous sommes fait pour avoir des pièces défectueuses et fonctionner quand même. Alors si nous avons ce super-pouvoir, pourquoi le jeter au feu ? Pourquoi décider de jeter soi-même un grain de sable dans l'engrenage ? Pourquoi volontairement faire dysfonctionner le système ? C'est peut-être un problème de contrôle. Peut-être qu'on ne préfère pas s'en remettre au destin, prince cruel apportant rarement de bonnes nouvelles. C'est peut-être parce qu'on préfère le faire avant qu'il ne soit trop tard, parce que nous sommes trop faibles pour accepter que nous ne mourrons pas de notre main. Finalement, ça pourrait bien être un question d'égo, tout ça. 

Mais ça, ce n'est pas mon cas. Moi, je suis dysfonctionnelle. Pleinement dysfonctionnelle. A tel point qu'en ce huit  septembre, ce n'est pas seulement un grain de sable que j'ai jeté dans l'engrenage : c'est toute une plage. Je me suis vraiment, vraiment mise dans la merde et je l'ai su au moment où je suis tombée à la renverse sur le parquet et que tout le monde a commencé à courir et à hurler à l'attentat. Mais il y a autre chose de très marrant dans comment la vie fonctionne : la mort. On pense qu'on meurt vieux, de maladies qui n'ont pas tellement de traitements, comme le cancer, on pense qu'on a toute la vie devant nous... Mais il y a des grains de sable partout.  C'est tellement facile de mourir, tellement facile. Je dirais même que c'est plus facile de mourir que de vivre. Mais au fond, c'est un peu paradoxal. Chaque minute passée sur Terre nous rapproche un peu plus de notre mort, chaque respiration nous rapproche de notre dernier souffle, chaque semaine qui passe indique un peu de temps en moins sur l'échelle de notre vie. 

Alors, sommes nous vivants ou mourants ? Ça fait longtemps que je réfléchis à cette question. Est-ce que je suis vivante, puisque je suis en vie, que je respire, que je vois, que mon coeur bat, ou est-ce que je suis mourante, puisqu'à chaque seconde qui passe je suis un peu plus près de ma mort ? Ma seule réponse est : les deux, mais ça dépend de nous. C'est de notre seul ressort décider si on est vivant ou mourrant.  Moi, j'ai choisi. Je sais ce que je suis. Enfin, je le savais, avant de faire ce que je viens de faire, je croyais que je savais qui j'étais et où était ma place dans ce monde... Mais maintenant que je suis en train de mourir, je me demande si je n'ai pas eu une vision erronée de ma propre situation. 


Le corps humain contient environ cinq litres de sang. C'est très peu, cinq litres. Mais à chaque seconde, à chaque battement, le coeur envoie ce sang dans toutes vos veines et vos artères pour vous permettre d'exister. C'est un circuit clos, avec une circulation unidirectionnelle. Ça veut dire que concrètement, jamais le sang n'est censé s'écouler par une blessure par exemple, parce que le réseau de vaisseaux sanguins est situé en dessous de la peau. L'hémoglobine atteint votre cerveau pour que vous puissiez penser, faire des mouvements, parler, vous rappeler, être qui vous êtes. Elle atteint vos muscles pour que vous marchiez, pour que vous dansiez, pour que vous souriez, pour que vous restiez. Elle transporte l'oxygène nécéssaire à votre survie, évacue le dioxyde de carbone, se charge d'hormones, de molécules, de glucose. Elle est la base de tout ce que nous savons, de tout ce que nous sommes et dire qu'elle est indispensable serait vraiment un euphémisme. Le sang irrigue le coeur qui peut alors se contracter par stimulation nerveuse pour envoyer le sang dans tout le corps, sang qui reviendra donc au coeur, et ainsi de suite pendant à peu près quatre-vingt ans pour la plupart d'entre nous. C'est un cycle sans fin, finalement. On peut vivre sans coeur, on peut vivre sans rate, on peut vivre sans un rein... Mais on ne peux pas vivre si il n'y a pas de sang. Votre vie tient non pas à un fil, non pas à rien, non pas à vous, mais bien à votre sang ; votre vie tient à votre sang.

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant