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Alina se décolle de moi doucement. 

- Tuer quelqu'un n'est jamais anodin, peu importe ce qu'on essaye de faire croire aux gens, mais certains ont plus de facilités que d'autres. 

- Pour toi c'est plus facile ? je demande. 

Son hochement de tête ne me surprend pas. Par contre, je m'en veux terriblement pour ce que je viens de dire à Alina ; j'ai l'impression de lui avoir révélé la plus grosse partie de moi-même, une faiblesse qu'elle pourra exploiter quand elle essaiera de me faire revenir. J'ai fait une grosse bêtise que je ne peut pas rattraper.

- Pourquoi ? 

- Parce que je n'accorde pas d'importance à la vie humaine. 

Je hausse un sourcil. 

- Tu penses que nous sommes des criminels, n'est-ce pas ? demande t-elle.

- Techniquement, vous l'êtes. 

Qu'elle ne me dise pas que c'est différent, que je me méprends sur leur compte parce que j'ai assisté à un meurtre qu'elle avait commandité. Qu'elle ne me dise pas qu'elle n'est pas une criminelle, parce qu'avec ce que je sais, je pourrais la faire enfermer à vie. Elle sourit et attrape sa chemise par terre alors que je m'assois dans ma chaise de bureau, vidée par ce qu'il vient de se passer. 

- Si on l'est, c'est parce qu'on nous demande de l'être. 

- C'est-à-dire ? 

- Il y a de l'offre parce qu'il y a de la demande. Tu n'imagines même pas qui fait appel à nous. 

Elle boutonne sa chemise en silence. 

- Qui ? 

- Des gens comme toi, totalement normaux, qu'on ne soupçonnerait jamais. Des avocats, des juges. Même l'armée. 

Je fronce les sourcils, surprise. Des avocats font appel à des mercenaires ? Mais dans quel but ? Anéantir des preuves, des hommes, pour renforcer la défense de certaines personnes ? Et l'armée, pourquoi ? Elle a les moyens de tuer, les Etats-Unis sont pourtant connu pour leur puissance militaire pratiquement jamais inégalée, alors pourquoi demander à Alina et son équipe de l'aide ? 

- Certains gouvernements, continue t-elle.

- Certains gouvernements ? je m'étrangle. 

Elle a un petit ricanement. 

- Quand je t'ai dit que tu ne t'imaginais pas l'ampleur de la chose. Nous sommes nous-mêmes des pions dans le jeu de ces gens, Silene. Ce sont eux les vrais criminels, pas nous. 

Je déglutis. 

- Pourquoi ils vous demandent ?

- Pour des meurtres ou du chantage bureaucratique. L'armée ne peux pas tuer tout le monde ou alors les civils se rebelleraient ; donc quand il faut tuer quelqu'un mais qu'ils ne peuvent pas le faire sans raison politico-diplomatique, c'est nous qui nous en chargeons. C'est la même chose avec les politiques. 

Je me passe la main sur le visage. 

- Je sais que ça fait beaucoup à encaisser et que ce n'est pas de tout repos de côtoyer des assassins, mais la vérité c'est qu'on est pas les seuls  à tuer des gens. Et c'est encore plus grave si les ordres viennent d'en haut, précise t-elle. 

- C'est franchement impensable, je réponds. 

Pourtant, sans savoir pourquoi, je la crois. 

- Je sais ce que tu as fait, là. Tu as l'impression de t'échapper à toi-même, tu ne sais plus qui tu es et tu as eu besoin d'appartenir à quelqu'un pendant un court moment pour sentir que tu étais toujours là. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant