21.

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J'arrive au niveau de Ren, chancelante et haletante, les cheveux trempés. Il me regarde un instant puis repart tranquillement dans l'allée en mettant les mains dans les poches de son pantalon, et je le suis machinalement, toujours en silence. 

- Tu es venue voir qui ? 

La question, trop personnelle, me prend de court et je déglutis. 

- Lauren, je réponds. 

Quelques secondes passent avant que je ne réalise la bêtise que je viens de dire. 

- Mon ancienne copine, je rectifie. Et toi ? 

On tourne à l'angle.

- Mon frère. 

Les mains glacées, une nouvelle bourrasque de vent fait valser les pans de ma veste et je ne prends pas la peine de lui présenter mes condoléances, d'abbord parce que je ne sais pas depuis combien de temps son frère est décédé, et ensuite, parce que ça ne servirait à rien. Les condoléances, c'est un truc que les autres disent pour se sentir mieux. Nous, ça nous fait ni chaud ni froid quand on perd quelqu'un qu'on aime, à part savoir que tout ce qu'on mérite c'est des civilités du type " je suis désolé ". Il a l'air de penser la même chose que moi parce qu'il ne dit rien non plus et pour une fois, son silence me rassure.

- Est-ce que tu regrettes de m'avoir sauvé la vie ? 

- Quoi ? je m'insurge.

- Est-ce que tu regrettes de m'avoir sauvé la vie ? répète t-il. Depuis que tu sais ce que je fais. 

Je secoue la tête. 

- Je ne sais pas. Je suppose que non. Une vie est une vie... 

Il continue à marcher droit devant lui sans sourciller et je trouve plutôt ça étrange qu'il me pose cette question si soudainement, après tout ce qui s'est passé. Le type a quand même essayé de me tuer, il m'a coupé et il me demande si je regrette de lui avoir sauvé la vie ? La pluie se remet à tomber, coupant court à mes réflexions, et je l'entends grogner entre ses dents. 

- Alina va te demander de revenir. 

- Je crois pas, je ricane. Après ce que je lui ai dit...

- Elle va te demander de revenir, assène t-il de nouveau.

Je comprends que ce n'est pas une supposition ou une question indirecte mais une information brute au ton qu'il emploie. Sans comprendre, je regarde son visage qui est vissé sur l'horizon, et il se remet à marcher. Je lui cours derrière, le souffle court, et attrape sa manche mais il se dégage en un instant. 

- Pourquoi tu me dis ça ? 

- Parce qu'il faut que tu te prépares. 

- Me préparer à quoi ? 

Il s'assoit sans un mot sur le banc à un mètre de nous, sort une dague de sa ceinture et commence à jouer avec alors que je m'assois à côté de lui, pas très sûre de ce qu'il est en train de se passer. Alina va revenir. Je mentirais si je disais que ça ne m'étonne pas ; pourtant je pensais avoir été assez claire et violente pour qu'elle aie compris qu'il ne fallait plus me le demander, que ce n'était pas pour moi. 

- Je la connais bien. Soit elle va venir la bouche en coeur avec une enveloppe remplie de billets ou de la lingerie rouge pour t'amadouer, soit elle va venir avec un flingue et te le coller à la tempe. 

En outrepassant le passage sur la lingerie qui me fait comprendre indirectement que Ren sait qu'Alina peut tenter la voie du sexe et de notre relation pour me faire plier, je lis dans ses phrases ce qu'il ne me dit pas clairement : fais attention. J'ignore le fait qu'il a du faire l'analogie de ce qu'il s'est passé entre Alina et moi et qu'il est donc au courant de notre liaison pour finalement lui demander : 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant