15.

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Je met mes gants alors qu'il jette des regards successifs à la porte à côté comme si il menaçait à tout moment de s'enfuir d'ici, et je me penche un peu pour observer sa blessure à la tête. 

- C'est arrivé comment ? 

Question importante pour savoir la gravité de la plaie et les risques d'infections, mais il se contente de fixer ses mains sans répondre. Je retiens un soupir de frustration. Je ne reconnais pas le Ren venu me voir chez moi pour me parler de ce coup de couteau que j'ai pris pour lui, je ne reconnais pas le Ren venu chercher de l'aide après une blessure par balle, je ne reconnais pas le Ren qui a accompagné Alina à l'hôpital par deux fois. J'ai l'impression d'avoir en face de moi une carte à double face ; un côté Joker, et un côté as de carreau. Je regarde ensuite sa coupure sur le bras, entourée de sang séché, et décide m'occuper de celle-là d'abbord. Je verse du sérum physiologique sur une compresse et nettoie doucement en essayant de ne pas lui faire mal, mais miraculeusement il se laisse faire, le regard fixé sur autre chose. Je ne tente pas d'autre dialogue, comprenant qu'il n'a vraiment aucune envie d'être là à se faire soigner et surtout aucune envie de me parler depuis que je suis arrivée. Je pose un pansement sur la plaie, jette les compresses à la poubelle et revêt une autre paire de gants avant de m'occuper de son arcade. Je sors les sutures adhésives, verse à nouveau du sérum physiologique sur un compresse et au moment où je lève le bras pour atteindre sa blessure à la tête, le monde se retourne. 

Il m'attrape le bras  et avec une force titanesque, me relève et projette contre le mur derrière moi. Je n'ai pas même pas le temps de comprendre ce qu'il m'arrive que mon dos heurte violemment la surface dure, la chaise sur laquelle j'étais assise tombe entre mes jambes et je vacille sur mes pieds. Ren enserre immédiatement ma gorge avec sa main alors que je peine à reprendre mes esprits à cause de ma tête qui a cogné contre le mur. L'air a du mal à passer dans ma trachée et je rouvre les yeux, paniquée. Il est en train de m'étrangler, il va me tuer. Je ne sais pas pour quelle raison je pense ça, pourquoi j'en suis convaincue, mais ça se voit dans ses yeux qu'il n'a aucune autre envie que me planter ses dagues dans le cou et me réduire à un cadavre sans vie, dans ce local au sous-sol d'un club de strip-tease. 

- Qu'est-ce qu'il y a entre toi et elle ? demande t-il.

- Quoi ? je murmure tant bien que mal. 

Il se tait quelques instants. 

- Entre Alina et toi. Comment elle a réussi à te convaincre ? 

Impossible de parler, même si je le voulais, parce que je n'arrive plus à respirer. Plus les secondes passent et plus Ren resserre sa prise, je me vois mourir, ne plus jamais revoir le soleil et la mer, ne plus jamais voir Hadidja, disparaître mystérieusement et être enterrée sur un terrain vague par quatre mercenaires. C'est comme ça que ma vie se termine, je suppose. Mais avant qu'elle n'aie eu le temps de défiler sous mes yeux, il rapproche son visage du mien. Ses yeux ne traduisent même pas la colère, il est juste... Normal. Sérieux. Et c'est encore plus perturbant pour moi, dont l'oxygène n'arrive déjà plus au cerveau. 

- Tu es mon ange-gardien, pas le sien, dit-il. 

Les étoiles dansent devant mes yeux alors que la porte s'ouvre d'un coup. Teddy apparaît sur le pas de la porte, comprend la situation en une seconde et se rue sur nous sans l'ombre d'une hésitation. J'ai une pensée pour sa jambe et elle tente de défaire la main de son collègue en le frappant et en tentant de défaire ses doigts de fer, mais sans succès, à tel point qu'elle se retourne vers la porte ouverte de la pièce.

- Alina ! hurle t-elle, paniquée.

J'ai vaguement le son d'une porte qui s'ouvre mais tout ce sur quoi je me concentre c'est rester consciente, parce que je sais que si je m'évanouis, alors ce sera bel et bien fini. Alina rentre dans la pièce et dégaine son arme qu'elle colle contre la tempe de Ren, mais ça n'a aucun effet sur lui puisqu'il a les yeux plongés dans les miens pour y chercher des réponses qu'il ne trouve pas. J'ai la tête qui tourne. Le canon de l'arme glisse de la tempe de Ren jusqu'à la mienne, je me retrouve donc avec l'arme d'Alina pointée sur moi et je ne comprends plus rien de ce qu'il se passe. Est-ce qu'elle a compris que je comptais dire non ? Est-ce que c'est un traquenard, un coup monté ? Pas le temps de me poser plus de questions car me voir avec le flingue sur le visage paraît lui faire prendre conscience de je-ne-sais quoi. Il me lâche et recule vivement. Je me penche aussitôt que son étreinte a disparu, tousse à m'en décoller un poumon pour faire rentrer l'air dans ma cage thoracique, et surtout, je remercie le destin de me laisser encore un peu plus de temps sur Terre. 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant