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J'inspire en passant mon pull par-dessus ma tête alors qu'il met une chemise blanche sur ses épaules. Le jour s'est levé ; ni lui ni moi n'avons vraiment dormi, ça ne sert à rien que je m'attarde ici, je ferais mieux de rentrer chez moi. 

- Je vais chercher mes affaires en haut. 

Difficile de croire qu'il y a vingt-quatre heures, je me réveillais à peine de mon empoisonnement par Alina et que je partais à sa recherche. Difficile à croire qu'il s'est passé ce qu'il s'est passé cette nuit. Je prends mon sac dans la chambre, ainsi que mon manteau resté sur sa chaise, je repasse par la salle de bain pour arranger mes cheveux puis je descends en bas. Il est en train de rouvrir le piano sur lequel j'étais allongée il y a une heure, nue, et je le regarde faire avec un petit sourire au lèvres jusqu'à ce qu'il se retourne. Il y a un petit silence. 

- Je vais y aller. 

- Tu ne... 

Un frappement à la porte l'interrompt dans sa phrase. Je le vois jetter un coup d'oeil à l'entrée, il   se reconcentre sur notre conversation, mais à peine a t-il le temps de se remémorer ce qu'il voulait dire, que la personne frappe de nouveau à la porte. Il traverse le grand salon pour aller regarder dans l'oeil de la porte, puis se retourne vers moi. Surpris. Inquiet. En alerte. Alina ? Ses yeux rencontrent les miens, puis il déverrouille la porte fermée à clé et l'ouvre en grand. Une femme, plus jeune que lui, se jette dans ses bras et si il n'a pas de réaction au début, ses bras se nouent autour de la taille de la jeune femme. Je reste plantée là, prête à partir, dans le salon, sans rien dire. Puis les deux se décollent et il la fait rentrer à l'intérieur ; elle a à peu près mon âge, elle est blonde, ses cheveux ramenés dans un chignon strict tiré à quatre épingles. Je comprends immédiatement de qui il s'agit lorsqu'elle s'adresse à lui dans une langue qui m'est inconnue. C'est sa soeur. 

- Silene, je te présente ma soeur Natashka, dit-il. 

Son ton est neutre et je tends la main à sa soeur, qui serre ma paume avec un petit sourire. 

- Sa compagne, je présume, souffle t-elle. 

- Non, je réponds sobrement. Une collègue, simplement. 

Le regard de Ren est sans appel et c'est un remerciement de sa part pour mon mensonge. Elle se recule, puis je me tourne vers l'homme-ténèbres. 

- Merci pour le café. Je retourne bosser, on se voit tout à l'heure. 

Il hoche la tête, neutre, et me raccompagne à la porte. Je passe le seuil de la porte sans un regard en arrière pour tenir mon rôle - décidément, Broadway m'attend - et avec un petit sourire au lèvres. Ce n'est qu'un murmure qui sort de sa bouche mais il résonne jusqu'au plus profond de mes os : 

- Merci.

Je rentre dans ma voiture, démarre, et rentre chez moi en me demandant bien ce que l'univers a voulu me faire comprendre hier et aujourd'hui. En moins d'une journée j'ai été empoisonnée, j'ai cherché Ren puis on a passé une nuit ensemble et j'ai rencontré sa soeur ce matin ; si je ne l'avais pas vécu, je crois que je me demanderais comment est-ce que c'est possible. De retour chez moi je me jette à la douche et passe longtemps dans la salle de bain à essayer de retrouver une tête potable. Il faut dire qu'après avoir frôlé la mort encore une fois... Je passe la journée dans mon fauteuil à côté de la fenêtre, à ressasser les derniers évènements en boucle pour essayer de comprendre ce qui m'est arrivé. Puis une question arrive dans mon cerveau et ne le quitte plus pour le reste de l'après-midi. Une seule question. 

Ren a bien été au club pour voir Alina après avoir fui pendant plusieurs jours sans la prévenir. 

Que s'est-il passé ? 

LE PLOMB DANS L'ÂMEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant